Paroisse

 Offices

 Sacrements

Doctrine

 Activités

Archives

 

EDITO
DES HOMELIES
DE MGR RECHAIN

 

   2009


Dimanche 27 Décembre - Fête de la Sainte Famille [Lectures :1 S 1, 20-22.24-28 ; Psaume 83 ; 1 Jn 3, 1-2.21-24 ; Lc 2, 41-52]

UNE FAMILLE POUR VIVRE LA SAINTETÉ

 « Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple : accorde nous la grâce de pratiquer comme elle les vertus familiales et d’être unis par les liens de ton amour … » (Prière d’ouverture de la Messe).

Au lendemain des terribles épreuves de la grande guerre, le pape Benoît XV institua en 1921 la fête de la Sainte Famille. Sans doute s’agissait-il de redonner courage, foi, espérance à cette institution humaine incontournable, particulièrement éprouvée par les années de guerre qui venaient de décimer l’Europe dite chrétienne !

Sans doute cette fête demeure plus que jamais nécessaire en ces temps où, d’une toute autre manière mais non moins destructrice, la famille se trouve au cœur de toutes les tourmentes qui

destructèrent les liens sociaux à commencer par ceux qui permettent à tout homme de grandir dans les échanges interpersonnels fondés sur le don et l’amour.

Comme toutes les autres réalités humaines, la famille est soumise à la corruption du péché. Volontés de domination, d’accaparement, d’égoïsme y sont hélas à l’œuvre. Seule l’évangélisation des comportements, la conversion des mentalités, peuvent donner à la cellule familiale d’être l’espace de vie sainte où s’expriment l’amour, la liberté, la vérité.

 « C’est chez mon Père que je dois être » (Luc 2,49).

La famille du Christ est le lieu où sont parfaitement visibles les attitudes attendues par Dieu pour correspondre au dessein de son amour. Marie n’appartient pas à Joseph qui la reçoit de Dieu. Joseph n’appartient pas à Marie ; il dépend de la parole de l’Ange. Quant à Jésus, en nommant Dieu comme Père, il rappelle l’origine radicale de son être. L’indépendance qu’Il manifeste, loin d’être défiance à l’endroit de Joseph et de Marie, est l’expression d’une appartenance qui invite au dépassement de toute attache possessive. Saint Jean le médite à sa manière dans le prologue de son Evangile (1,12-13).

Cette relation nouvelle – être né de Dieu par la foi – est le fruit de l’œuvre pascale accomplie par le Christ et que toute famille humaine est appelée à vivre.

 « C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple » (Luc 2,46).

La forme pascale du pèlerinage de la Sainte Famille au Temple de Jérusalem est clairement signifiée. Jésus perdu et retrouvé, angoisse de Marie et de Joseph, mention de l’œuvre du Père, sont autant de notations renvoyant à la Pâque du Christ. Trois jours après sa disparition Jésus est retrouvé au Temple. C’est bien lui, mais autrement car désormais la filiation divine est proclamée publiquement. Annonce prophétique de la Résurrection où le Christ devra être reconnu  étant le même – vrai homme – mais dans une humanité transfigurée passée à la gloire du Père. Ainsi sont transformés tous les liens humains précédemment noués. C’est l’œuvre de l’Esprit qui peut aujourd’hui transformer nos rapports familiaux pour en faire ceux de la communion dans l’amour. Ainsi nos familles peuvent elles devenir les lieux de sainteté pour le salut du monde.

 

  Seigneur je te prie
pour toutes les familles du monde.
Celles qui essaient de témoigner
que Dieu vit en elles
comme un source de tendresse
et d’un inépuisable pardon.
Celles aussi qui sont déchirées
par l’intransigeance, le silence,
l’incompréhension ou la jalousie.
Je te prie pour les familles
qui cherchent ton soutien et ta chaleur.
Qu’en chacune de nos familles, Seigneur,
tous les membres, petits ou grands,
malades ou solides, faibles ou forts,
trouvent leur juste place et le goût de servir

 

 


Vendredi 25 Décembre  :NATIVITE DU SEIGNEUR [Lectures-Messe de la  nuit : Is 9, 1-6 ;Psaume 95 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
                                                                         Messe du Jour :    Is 52, 7-10 ; Psaume 97 ; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18 ]
                                                                                                                                                           

LA CLARTE – DIEU

 « Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre » (Verset de l’Alléluia de la Messe du Jour).

La route de l’Avent a été éclairée par la promesse de bonheur faite par Dieu à l’homme. Le Verbe de Dieu n’a cessé de la porter depuis les mystérieux surgissements de la Création. Tel le levain dans la pâte, la Parole ne cesse de travailler l’humanité pour la conduire, par le souffle de l’Esprit créateur, à son achèvement dans la vie du Royaume.
Symbole de cette humanité en quête de bonheur, Israël, peuple élu entre toutes les nations, a fait l’expérience de la fidélité de Dieu au travers de ses épreuves : « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre une lumière a resplendi » (Isaïe 9,1 – Messe de la Nuit de Noël). Avec Noël l’oracle prophétique s’accomplit : « oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné… voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers » (id.v.5-6).

En choisissant de s’incarner dans le sein immaculé de la Vierge Marie, le Verbe de Dieu s’engage totalement  dans l’aventure humaine et vient dévoiler sa communion de destinée avec nous.

 « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire » (Jean 1,14 – Messe du Jour).

Tout au long de l’Avent nous étions invités à maintenir les yeux fixés sur notre foi : l’entrée dans la clarté de Dieu où le Fils ressuscité nous précède, lui qui est « le reflet resplendissant de la gloire du Père, l’expression parfaite de son être » (Hébreux 1,3- Messe du Jour).  En célébrant la nativité du Seigneur au solstice de l’hiver,  à

l’Eglise dit l’espérance qui l’anime, celle d’un monde de lumière, de beauté, d’harmonie. Noël est donc, non le terme de l’histoire, mais la visibilité d’un commencement nouveau et définitif.

Bethléem met au jour l’extraordinaire coordination entre la geste créatrice originelle de Dieu et l’achèvement de l’histoire humaine dans la plénitude de sa gloire.

C’est en assumant toute l’histoire du salut à travers la figure particulière du fils de David que l’humanité du Verbe de Dieu atteint son universalité. En acceptant d’entrer dans une ascendance éliminée de l’histoire depuis des siècles, le Christ préfigure sa propre élimination de la terre des vivants dans sa Passion et sa mort qui seront l’ultime étape du Salut. Ce faisant, il dévoile les conditions de notre véritable identité, celle d’enfants de Dieu « ceux qui sont nés non d’une volonté d’homme mais de Dieu » (Jean 1,13).

 « Je serai pour lui un Père, il sera pour moi un Fils » (Hébreux 1,5 Messe du Jour).

Noël est donc pour nous la célébration de notre naissance à cette nouveauté. Dans la lumière intime de la crèche se dévoilent et le visage filial de l’homme, et le visage paternel de Dieu. Etre Père c’est donner sa vie, sans rien en retenir, à Celui qui est le Fils. Etre Fils c’est accueillir ce don sans rien en conserver pour qu’advienne l’Esprit donateur de vie, d’amour.

Dans l’apparition de l’Enfant-Dieu, se donne à voir le mystère trinitaire. Père, Fils et Saint Esprit se font serviteurs de la vie des hommes. Etre homme consiste pour nous à coopérer à ce mouvement d’amour que dévoile la clarté-Dieu.

Ainsi pouvons-nous entrer dans « ce que nous possédons dans l’espérance, l’héritage de la vie éternelle » (Tite 3,7 Messe de l’aurore).


Dimanche 20 décembre- 4ème dimanche de l'Avent [Lectures :  Mi 5, 1-4 ; Ps 79 ; He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45 ]

VISITATION

« Cieux, faites venir le Juste comme une rosée … » (Isaïe 45,8).

La magnifique antienne d’ouverture de la Messe mérite d’être goûtée dans sa splendeur grégorienne :

« Rorate, Caeli, desuper, et nubes pluant justum ; aperiatur terra, et germinet Salvatorem »
« Cieux, faites venir le juste comme une rosée ;  qu’il descende des nuées comme une pluie bienfaisante, que la terre s’entrouvre et donne naissance au Sauveur ».

L’Espérance du Prophète est celle de toute l’humanité en attente de vivre la rencontre capable de la renouveler jusqu’au plus extrême de ses racines. A quelques jours de la Nativité nous voici devant le mystère de notre refondation. Depuis les « temps anciens », depuis « l’aube des siècles » (Michée 5,1), se prépare la visite de Dieu d’une manière inouïe, celle de l’Incarnation du Verbe, du Fils éternel. Celui dont nous allons célébrer l’anniversaire de la naissance parmi les hommes vient accomplir la volonté du Père : « Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté » (Hébreux 10,9).  « Berger par la puissance du Seigneur … il est la Paix » (Michée 5,14). Il est, ô mystère ineffable, à la fois celui qui vient d’En Haut, comme la rosée,  mais aussi de la terre. Il est l’émergence visible de ce Verbe par qui et en qui tout existe, tout subsiste.

« Toi, Bethléem, Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que je ferai sortir Celui qui doit gouverner Israël » (Michée 5,1).

Celui qui est le plus grand vient vers ce qui est le plus petit. L’universel se dit dans le particulier, l’infini dans le fini. Ainsi est Dieu. De « l’aube des siècles », nous sommes conduits « en ces jours-là » vers « celle qui doit enfanter » (Michée 5,2). Le Christ ne vient pas de nulle part, il vient à la croisée de l’espace et du temps choisi par Dieu pour sa visitation. C’est pourquoi la rencontre de Marie et d’Elisabeth est une étape essentielle. Avant d’arriver à la « Maison du Pain » - Bethléem – il nous faut nous arrêter à la « source dans le vignoble » – Aïn Karem.

Dieu vient y ressaisir notre humanité vieillie, rendue stérile et mortelle par le péché. La bénédiction d’Elisabeth, relevée de son humiliation, l’exultation de Marie, terre vierge où s’enracine la jeunesse éternelle de Dieu, nous disent déjà la reformation de l’humanité en l’image et la ressemblance divines.

« Tu m’as fait un corps… Me voici, je suis venu pour faire ta volonté » (Hébreux 10,5…9).

La visitation nous place en proximité de la réalisation de la promesse : le surgissement d’une humanité renouvelée et capable d’entrer dans l’intimité divine. En s’offrant de tout son être, le Christ ouvre à Dieu et à l’homme le chemin de l’accomplissement. « Me voici » est la réponse attendue par le Père. La Parole Créatrice va pouvoir achever son œuvre. « Heureux celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Luc 1,45) proclame Elisabeth. Faisons nôtre cette béatitude et entrons avec joie dans le mystère de cette visitation qui a comblé Elisabeth, Marie, Jean le Baptiste. C’est la joie de notre Dieu.


 13 Décembre :  3ème dimanche de l'Avent   [Lectures :  So 3, 14-18, Ph 4, 4-7 ; Cantique Is 12 ; Lc 3, 10-18]

« SOYEZ DANS LA JOIE ! »

« Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur … » (Philippiens 4,4).

Comme chaque année, la fête de Sainte-Odile, patronne de notre paroisse, coïncide heureusement avec le troisième dimanche de l’AVENT appelé souvent dimanche de Gaudete, selon l’expression latine de l’antienne grégorienne qui reprend le verset de la lettre aux Philippiens de l’Apôtre Paul cité en exergue.

Illuminée par le Christ rédempteur à son baptême, la sainte d’Alsace nous rappelle qu’au-delà des réalités humaines marquées par l’angoisse et la peur, qu’au-delà du malheur qui s’insinue trop souvent au cœur de nos existences, qu’au-delà de la mort, il y a une joie profonde qui nous est proposée, celle qui naît de la Foi au Dieu du Salut.

Il y a une route possible qui conduit à partager le bonheur de la sainteté. Toute la liturgie de ce jour est imprégnée de cette joie débordante dont l’origine est la présence de Dieu lui-même dans nos vies.

Cette présence de Dieu à l’homme est le salut : « Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui le héros qui apporte le salut » (Sophonie 3,17). Déjà Israël, à travers ses épreuves ô combien douloureuses, était appelé par les prophètes à faire cette expérience et à se mettre en condition d’accueillir cette joie que Dieu veut donner.

 « Que devons-nous faire ? » (Luc 3,10).

L’Evangile peut ici nous donner une piste. A trois reprises les interlocuteurs de Jean-Baptiste posent cette question qui exprime leur inquiétude devant la nouveauté qui advient. Comment se préparer à l’avènement du monde nouveau ? La réponse du Baptiste est dans le droit fil du Décalogue en renvoyant à celui-ci. Fondement de la première Alliance, la Loi dessine l’espace de la communion en deçà duquel il n’y a que violence et destruction. Mais le précepte n’est pas encore l’amour. Il n’appartient pas au Précurseur d’être le Messie. Mais il est pédagogue – comme la Loi – et propose à l’attente des hommes le baptême d’eau qui est aussi baptême de conversion à l’entrée de la route de la Nouvelle Alliance.

Seul « Celui qui vient et qui est plus puissant que lui » (Luc 3,17) a le pouvoir de passer de la Loi à l’Esprit.

« Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et dans le feu » (Luc 3,16).

Il nous faut selon son conseil, relayé par l’Eglise aujourd’hui, nous placer sous la mouvance de Celui qui inscrit par l’eau et le feu de l’amour divin la nouveauté dans notre humanité blessée. Pelle à vanner, nettoyage de l’aire à battre le blé, engrangement des graines, paille consumée, autant d’images pour signifier le jugement que le Christ est venu prononcer. L’image de Dieu que nous sommes en notre mystérieuse origine est nettoyée par l’eau du baptême. La ressemblance perdue est rénovée par le feu de l’Esprit d’Amour.

Saint Paul écrit aux Corinthiens (1 Co 3,13-15) « Chacun sera sauvé, mais comme à travers le feu ». Alors soyons dans la joie puisque la foi opère maintenant en nous l’œuvre du salut.

« Que la Paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, garde nos cœurs et nos intelligences dans le Christ Jésus » (Philippiens 4,7)


 6 Décembre  2ème dimanche de l'Avent [Lectures : Ba 5, 1-9Ps 125 ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6 ]

MARCHER VERS LE JOUR DU SEIGNEUR

« … dans la droiture, vous marcherez sans trébucher vers le jour du Christ » (Philippiens 1,10).

Le temps de l’Avent est traditionnellement comparé à une marche qui conduit au mystère de la Nativité de l’Homme-Dieu à Bethléem. Les trois lectures de cette deuxième étape nous placent dans cette perspective par leur insistance sur le thème de la route. Le livre de Baruc développe l’aspect joyeux et festif de cette marche qui, au-delà du retour d’Exil, évoque la conduite du peuple par Dieu lui-même : « dans la joie, à la lumière de sa gloire, lui donnant comme escorte sa miséricorde et sa justice » (Baruc 5,9). Saint Paul, dans la lettre aux Philippiens, évoque, au terme de la marche vers le « jour du Christ », « la plénitude de justice obtenue grâce à Jésus-Christ pour la gloire et la louange de Dieu » (Philippiens 1,11). Quant à l’Evangile de Luc, il met en scène la figure de Jean-Baptiste dont la prédication reprend la prophétie d’Isaïe invitant à préparer le chemin du Seigneur afin que « tout homme voie le salut de Dieu » (Luc 3,6).

 « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route … » (Luc 3,4).

Le chemin du jour du Christ est celui de la conversion. Au désert le peuple était invité à collecter la manne tous les jours. Il ne pouvait en faire provision sinon elle se corrompait. Ainsi fallait-il faire confiance absolue à Celui qui pourvoyait à la nourriture quotidienne. De même nous ne pouvons « stocker »  le Christ. Il nous faut sans cesse le recevoir dans un mouvement de perpétuelle nouveauté.

Ravins, montagnes, collines, autant d’images des obstacles à cet accueil. L’Eglise, comme Jean-Baptiste, nous invite à mettre en œuvre notre liberté pour les réduire. Cela suppose le renoncement à toute forme de domination, de volonté de puissance. Un déplacement à l’intérieur de nous-mêmes doit être consenti pour entrer dans le mouvement de l’Amour. L’Evangile souligne que finalement c’est Dieu qui parcourt la route vers nous pour nous donner sa lumière et sa joie, avec pour escorte sa miséricorde et sa justice (Baruc 5,9).

 « Dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance qui vous feront discerner ce qui est plus important » (Philippiens 1,9-10).

Israël n’a pu trouver sa vérité dans la possession d’une terre ou dans l’observance de la loi. Il lui a fallu passer par le chemin des épreuves pour approfondir l’attente de Dieu. Le Chrétien, quant à lui, ne peut découvrir ce qu’il est que dans la confiance en la Parole faite chair. Prenant notre route, le Fils de Dieu nous donne la possibilité de nous accomplir en lui. La grâce de Dieu, le don de l’Esprit Saint nous affermissent dans le mouvement de conversion. Comme le souligne Paul, nous pouvons désormais « progresser dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance ». « Tout homme verra le Salut de Dieu » (Luc 3,6). Telle est « la plénitude de la justice obtenue grâce à Jésus Christ pour la gloire et la louange de Dieu » (Philippiens 1,11).


 Dimanche 29 novembre      1er dimanche de l'Avent   [Lectures : Jr 33, 14-16 ; Ps 24 ; 1Th3, 12; 4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36]  

LA PROMESSE DE BONHEUR

 « … Qu’il vous établisse fermement dans une sainteté sans reproche devant Dieu notre Père, pour le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les saints » (1 Thessaloniciens 3,13).

Loin d’être une action répétitive qui nous renverrait à un passé définitivement révolu, l’entrée en AVENT nous invite à porter notre regard loin au-devant de nous, vers le Jour glorieux de la venue du Christ dans sa gloire. Premier écrit apostolique, la première lettre aux Thessaloniciens évoque clairement cet événement qui accomplira « la promesse de bonheur adressée à la Maison d’Israël et à la Maison de Juda » (Jérémie 33,14). Plus de deux décennies se sont écoulées lorsque Luc à son tour évoque en termes à la tonalité apocalyptique le retour du Christ : « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire » (Luc 21,27), selon la vision du prophète Daniel.

C’est donc à l’espérance et à la joie que nous sommes invités tout au long de ces semaines. Noël, que nous célébrerons au terme de l’Avent, ne clôt pas l’histoire humaine. Au contraire la naissance du Sauveur est venue rendre visible en notre humanité la manière dont Dieu vient achever l’histoire. L’accomplissement de la promesse n’est pas extérieur à notre liberté. Celle-ci est invitée à se laisser saisir par la sainteté divine afin qu’au terme de notre existence nous puissions « paraître debout devant le Fils de l’homme » (Luc 21,36).

 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles … les puissances des cieux seront ébranlées » (Luc 21,25-26).

Tout au long de son histoire, l’humanité est confrontée à l’absurde, au non-sens. Le langage des Apocalypses, fort en vogue au temps du Christ et repris par lui-même, n’a pas d’autre but que de souligner la puissance des forces de décréation toujours à l’œuvre. En pactisant avec elles par son péché, en prétendant nier Dieu pour se faire lui-même Dieu, l’homme s’enferme dans le cercle vicieux de la désespérance. Dans un récent éditorial, un de nos penseurs contemporains évoquait l’absolue nécessité pour nos sociétés de trouver par la philosophie une nouvelle spiritualité au-delà de toute forme religieuse. C’est la version douce du rêve prométhéen de l’homme dont on a pu mesurer les effets délétères depuis le siècle des Lumières ! Ce refus, même de bonne foi, de l’altérité divine conduit à l’impuissance de l’homme et son retour au néant.

Mais Dieu tient toujours sa promesse de Bonheur et s’engage sur nos routes humaines, aussi déviantes soient-elles, pour que de ce néant puisse surgir la plénitude de la nouvelle création. A l’heure de la plus extrême détresse, Dieu répond à l’amour qui donne sa vie par l’amour qui donne vie. Noël, dans quelques semaines en sera les prémices.

« Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » (Luc 21,28).

Ce Bonheur a désormais un nom « Le Seigneur-est-notre-justice » (Jérémie 33,16). Il a un visage, celui du « Fils de l’homme » (Luc 21,26). Il a une patrie : le Royaume de Dieu.

Tout au long de cet Avent consentons aux ruptures nécessaires pour nous préparer à recevoir cette nouveauté. Suivons les conseils de l’apôtre Paul : « Vous avez appris comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu », il s’agit « d’avoir en vous et à l’égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant » (1 Thessaloniciens 3,12-13).

Faisons de nouveaux progrès afin de pouvoir « paraître debout devant le Fils de l’Homme » (Luc 21,36). Que le Bonheur de Dieu soit notre bonheur !


Dimanche 22 novembre   Solennité du Christ-Roi  [Lectures :  Dn 7, 13-14 ; Ps 92 ; Ap 1, 5-8Jn 18, 33-37 ]

« Le Seigneur est Roi » (Psaume 92.1).

 L’Eglise souhaite clore l’année liturgique par la célébration d’un aspect essentiel du Mystère du Christ qui plonge ses racines au cœur de la tradition biblique la plus authentique. Elle se trouve notamment exprimée dans une suite de psaumes souvent qualifiés de psaumes du Règne.

Dieu seul est Roi et aucune institution humaine ne peut prétendre en traduire les profondeurs.

« Allez dire aux Nations : Le Seigneur est Roi » (Psaume 95,10). Cependant le Seigneur accepte que les hommes s’emparent de ce pouvoir royal quitte à le dénaturer et à l’exercer dans un sens souvent contraire au dessein divin. Le péché des hommes a corrompu ce don de vie, de justice et d’amour pour en faire un instrument de domination, d’asservissement.

Il faut donc que le Christ ressaisisse cette puissance royale pour lui redonner la capacité de contribuer à l’achèvement harmonieux de l’œuvre créatrice.

« Ma Royauté ne vient pas de ce monde » (Jean 18,36).

En s’appropriant la figure du « Fils de l’homme » évoquée au livre de Daniel (7,13), le Christ, devant Pilate, vient déplacer la perspective étroite dans laquelle on cherche à l’enfermer. La Royauté revendiquée n’est pas de nature humaine. Son pouvoir, loin d’être totalitaire est universel, loin d’être contraignant est libérateur, loin d’être mensonger est vérité.

Par sa violence, l’homme a voulu arracher à Dieu le pouvoir royal qui lui eût permis d’être Seigneur de justice et de paix. En acceptant la Croix, le Christ se soumet au pouvoir de la violence. En donnant sa vie par amour, allant au-devant de cette violence qui l’assassine, Jésus vient supprimer les racines les plus profondes de la violence humaine. Acceptant la royauté de dérision que lui imposent les hommes sur la Croix, il fait apparaître la vérité de ce qu’Il est : le Roi de l’Univers.

Le panneau cloué au-dessus de sa tête couronnée d’épines l’atteste prophétiquement dans les trois langues de l’empire  prétendument universel du moment, aujourd’hui disparu.  Pilate et César ont rejoint les fosses de l’histoire. Le Christ, lui, poursuit désormais « sa domination éternelle qui ne passera pas » (Daniel 7,14), celle de l’amour et de la vérité.

 « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » (Jean 18,37).

A la question qu’il s’est posé à lui-même : « qu’est-ce que la vérité ? » (Jean 18-38)  Pilate n’a su répondre que par le lavement des mains. Commettant l’injustice, il laisse le mensonge faire son œuvre de mort. En l’acceptant librement et par amour, le Christ rend témoignage à la vérité de Dieu, à la vérité de l’homme à l’image de Dieu. Cette vérité qui rend libre est celle de l’amour.

Le règne du Christ est la libération de toutes les forces du malheur qui accablent l’homme. C’est un règne de vie, de justice et de paix auquel nous sommes déjà associés par l’Esprit de vérité insufflé au baptême. Sachons en témoigner en cette année de mission : « Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » (Jean 18,37).


Dimanche 15 novembre     33ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures :  Dn 12, 1-3 ; Ps 15 ; He 10, 11-14.18 ; Mc 13, 24-32]

DE LA FIN DES TEMPS

« Ce sera un temps de détresse, comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent. Mais en ce temps là viendra le salut de ton peuple » (Daniel 12,1).

Langage étonnant que celui des lectures de cet avant-dernier dimanche de l’année liturgique.  Nos mentalités contemporaines ont bien du mal à entrer dans la compréhension de ce qui était pourtant familier aux croyants tant des deux siècles précédant la venue du Christ, que de celui de ses contemporains. Il s’agit en effet d’un genre littéraire spécifique, celui des apocalypses, aujourd’hui confondu avec des fictions à l’imaginaire délirant, voire avec les péripéties sanglantes de sectes ésotériques meurtrières.

Il ne s’agit pas en effet pour les auteurs sacrés de faire référence à tel ou tel événement particulier passé, présent ou à venir, mais de révéler le sens de l’histoire humaine. Ce qui est en jeu c’est l’existence humaine et celle du cosmos tout entier aux prises avec le péché, le fruit vénéneux de la liberté humaine pervertie.

Lorsque le Christ reprend à son compte le langage apocalyptique déjà connu trois siècles auparavant à travers le livre de Daniel, il nous dit seulement que les temps que nous vivons sont ceux d’une crise où la Parole vivante de Dieu se trouve contredite par la parole de mensonge qui veut faire revenir toute chose  au chaos originel d’où Dieu l’avait tirée. Mais ce temps de crise est aussi temps du Salut.

 « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Marc 13,31).

C’est dans la Passion et la Mort du Christ que la crise trouve son point culminant et aussi sa résolution dans la victoire acquise par la Résurrection.

Comme le souligne l’auteur de la lettre aux Hébreux : « Jésus-Christ après avoir souffert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que « ses ennemis soient mis sous ses pieds » (Hébreux 10,12-13). Ainsi la mort du Christ n’est pas le dernier mot de Dieu. Elle occasionne le grand ébranlement d’un univers où sévissent les forces d’iniquité. Non seulement la Parole qu’est le Verbe de Dieu incarné ne passera pas, mais elle est passée au travers de l’épaisseur mortelle du péché pour rejoindre le Père, source de la vie, de l’être, inaugurant une humanité transfigurée.

 « Que la comparaison du figuier vous instruise : dès que les branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche » (Marc 13,28).

A la vision grandiose de la fin des temps culminant dans le jugement du « Fils de l’homme », le Christ fait suivre la comparaison du figuier, symbole biblique par excellence de la Sagesse. Celle-ci qui est le propre de Dieu fait lever les sages et les justes qui « brilleront comme la splendeur du firmament …, resplendissant comme les étoiles dans les siècles des siècles » (Daniel 12,3). Déjà venue dans la Résurrection, cette sagesse reviendra dans la gloire selon le bon vouloir du Père. L’Eglise est alors le lieu de l’attente de la victoire définitive. C’est en elle, avec elle que nous pouvons mettre en œuvre l’attitude que le Christ recommande : « Prenez garde, veillez… je le dis à tous, veillez » (Marc 13,33-37).


Dimanche 8 novembre   32ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : 1R 17, 10-16 ; Ps 145 ; He 9, 24-28 ; Mc 12, 38-44 ]

 LE DON TOTAL

 Les deux veuves

La liturgie de la Parole nous présente aujourd’hui deux figures symboliques de l’extrême précarité économique et sociale bien souvent dénoncée par l’Ecriture. Ce sont deux veuves ayant vécu à des siècles de distance et dans des contextes différents. Mais toutes deux sont révélatrices de la dilection de Dieu pour ceux qui, au travers de leur extrême misère, demeurent ultimement dans la fidélité au Dieu des Pères,  fut-ce au prix de leur vie.

Le psalmiste rappelle ce lien privilégié :

 « Il regarde à jamais sa fidélité
  il fait justice aux opprimés
  aux affamés il donne le pain …
  Il soutient la veuve et l’orphelin »   (Psaume 145,5…9).

Au seuil de la mort, la veuve de Sarepta écoute la parole du Prophète Elie et n’hésite pas à sacrifier ce qui est nécessaire à sa vie. De même la veuve de l’Evangile de Marc vient librement déposer au Trésor du Temple : « les deux piécettes » qui sont, nous dit le Christ, « tout ce qu’elle avait pour vivre » (Marc 12,44).

C’est ainsi le don total de leur vie que ces femmes remettent à Dieu, annonçant ainsi le don plus radical encore que le Christ accomplira dans sa Pâque. 

 « Elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Marc 12,44).

Si au Livre des Rois l’histoire connaît une fin heureuse : « et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par la bouche d’Elie » (1 Roi 17,16), le récit évangélique laisse comme en suspens le devenir de la veuve du Trésor. Il ne peut en effet trouver sa conclusion que dans l’acte pascal du Christ. Déjà se laisse percevoir la vérité de la parole du Christ : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile la sauvera » (Marc 8,35). C’est dans l’abandon aux portes de la mort que Dieu peut intervenir car Il demeure fidèle à son dessein de vie et de bonheur :

« Heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob
qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu,
lui qui a fait le ciel et la terre »       (Psaumes 145, 5-6).

Nous sommes tous appelés à passer du néant à l’être, de la mort à la vie. Nous ressemblons trop souvent davantage aux riches de l’Evangile qui ne prennent que de leur superflu. Nous ne percevons pas que là où nous croyons voir  l’opulence de la vie, la mort est déjà à l’œuvre. Il faut une conversion radicale pour percevoir que là où la mort semble l’emporter, c’est la vie qui advient.

 « C’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice » (Hébreux 9,26).

Seul, véritablement, le Christ se donne totalement. Le retour au Père par le sang de la Croix, par le don de la vie, est l’offrande définitive, accomplie une fois pour toutes. Désormais il n’y a plus rien à offrir à Dieu puisque Tout lui a été donné. Mais ce sang n’est pas répandu pour lui seul. Il est pour la multitude et devient source de transformation de l’humanité. Par sa mort et sa Résurection, Jésus rend justice au geste d’amour des deux veuves. La mort ne peut plus avoir le dernier mot. A nous d’entrer aussi dans la logique de la Pâque. En nous donnant son Fils, Dieu nous a tout donné. Que le don de nous-mêmes à ceux qui sont les pauvres selon le Christ, soit aussi pour Dieu le Tout qu’Il attend pour le Salut des hommes qu’Il aime


Dimanche 1er Novembre :  Toussaint  [Lectures : Ap 7, 2-4.9-14; Ps 23,; 1Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12 ]

 LA SAINTETE POUR TOUS

 « Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu … et nous le sommes » (1 Jean 3,1).

La sainteté est le propre de Dieu. Elle signifie qu’Il est d’un ordre totalement autre. Les mystiques le désigne comme le « Tout Autre ». Cependant cette différence radicale n’empêche pas Dieu de se rendre proche. Ainsi dans l’acte de création, le Seigneur, s’Il ne se confond pas avec sa création, donne cependant à l’homme d’être à son image et selon sa ressemblance. Toute l’histoire de la Révélation nous montre combien Dieu veut nous rendre participants de ce qui le constitue : « Soyez saints, car moi je suis saint … »(Lévitique 19,2).

Ce dessein d’amour prend alors une expression qui nous rend capables de revêtir cette sainteté : être enfants. Certes, nous ne sommes pas fils à la manière du Fils unique « engendré non pas créé ». Nous demeurons dans l’ordre de la création. Mais il nous est néanmoins donné de recevoir la vie de Celui que nous pouvons nommer « Notre Père ». Par le don de l’Esprit nous pouvons entrer dans l’intimité de la vie du Bonheur que Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, connaît en lui-même, la vie de Sainteté du Dieu trois fois Saint.

 « Mes bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement » (1 Jean 3,2).

Etre enfant de Dieu c’est ressembler à Celui qui est l’Image du Dieu invisible, le Fils engendré de toute éternité, venu vivre notre condition d’homme. Seul le Christ peut nous révéler ce qu’est pour son Père  la sainteté qu’Il désire pour nous. Tel est le sens des Béatitudes. Elles nous disent la manière dont le Christ envisage le Bonheur à travers les péripéties du monde pécheur : pauvreté de cœur, douceur, pleurs, faim et soif de justice, miséricorde, pureté de cœur, artisan de paix, persécutions pour la justice, insultes et persécutions à cause du Christ, sont l’antithèse du monde où dominent la richesse qui corrompt, la violence, l’exclusion, la dureté du cœur.

Etre enfant de Dieu, revêtir la sainteté, c’est accepter d’être en contradiction avec l’esprit du monde, c’est prendre la route du Christ qui par amour et dans l’amour nous ouvre le chemin du Royaume.

 « Tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur » (1 Jean 3,3).

Les Béatitudes de la Sainteté sont l’assurance que, pauvres pécheurs, nous ne nous trompons pas en vivant ces situations qui sont folie aux yeux des hommes. Notre espérance est à jamais liée à l’acte pascal du Christ. Par son sang nous sommes purifiés. L’auteur de l’Apocalypse fait clairement allusion au sacrifice du Christ et à l’épreuve de la persécution au nom du Christ (Apocalypse 7,14). Notre histoire est à jamais marquée par le sceau de la Pâque.  Fête de tous les Saints, Fête de la sainteté pour tous, la Toussaint nous dit à nouveau la réussite de Dieu qui nous rend saints comme Lui-même est saint.


Dimanche 25 octobre 30ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : Jr 31, 7-9Ps 125 ; He 5, 1-6 ; Mc 10, 46-52

MARCHER VERS LA LIBERTÉ

« Voici que je les fais revenir du pays du Nord … C’est une grande assemblée qui revient. » (Jérémie 31,8).

La longue aventure dans laquelle Dieu s’est engagé de tout son être trinitaire n’a pas d’autre but que de permettre à l’homme égaré de trouver le chemin du Bonheur qui mène à l’intimité aimante de la vie divine. Cette marche est celle de la désaliénation pour recouvrer la plénitude de la dignité humaine abîmée par le péché. Nul ne doit être empêché de prendre la route de la vie. L’oracle de Jérémie ne doit pas être lu à la seule lumière du contexte du Retour d’Exil, mais aussi à celle de la Rédemption accomplie par le Christ. Sa portée théologique est celle de la fin des temps où, au-delà de toutes les péripéties de l’histoire humaine, Dieu rassemblera toute l’humanité, révélant sa paternité évoquée par le Prophète : « Je suis un père pour Israël, Ephraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur » (Jérémie 31,9).

« Fils de David, aie pitié de moi ! » (Marc 10,48).

Nul ne peut être déclaré inapte à entrer dans le mouvement créateur et recréateur de l’homme, venons-nous de souligner. Le Fils de Timée « mendiant aveugle » est, à travers son histoire personnelle, symbole de tous ceux qui vivent une situation d’exclusion. Privé de lumière, aura-t-il jamais accès à la lumière de la vie ? Il est signe de cette part d’humanité plongée dans les ténèbres de la mort.

Jésus vient à lui et réalise ce que saint Jean a écrit dans le prologue de son Évangile : « En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » (Jean 1,4-5). Comme Jésus le déclare à l’occasion de la rencontre d’un autre aveugle, celui de naissance, cette cécité est « pour que l’action de Dieu se manifeste en lui » (Jean 9,3).

Reconnaissant en Jésus la puissance messianique, Bartimée peut crier sa détresse : « Fils de David, aie pitié de moi » et voir s’ouvrir devant lui la route de la liberté : « Va, ta foi t’a sauvé » (Marc 10,52).

« Appelez-le » … « Confiance, lève-toi : il t’appelle ! » (Marc 10,49).

A travers la foule jusqu’alors indifférente ou hostile, un mouvement plus profond se fait jour, celui de la foi qui nait : « confiance ». Les gestes qui suivent disent mieux que des discours la transformation qui s’opère : rejet du manteau, bondissement, course, autant de notations qui disent la nouveauté intervenue dans l’existence de l’aveugle. Celui-ci quitte « le vieil homme ». Bondissant hors de sa nuit, il devient l’homme nouveau qui part se mettre à la suite du Christ. Renouvelé par la foi en Celui qu’il reconnaît comme Maître, Bartimée prend sa place dans le cortège de la vie. Ce cortège est pourtant conduit par le Christ montant vers sa mort. Mais cette mort est pour notre vie, celle de la Résurrection.

Entendrons-nous le Christ nous demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »  Saurons-nous répondre : « Rabbouni,  que je voie » (Marc 10,52) ?


Dimanche 18 octobre    29ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : Is 53, 10-11 ; Ps 32;  He 4, 14-16; Mc 10, 35-45 ]

LE SEIGNEUR SERVITEUR

 « Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur » (Isaïe 53,10)

Terrible expression qui pourrait accréditer l’idée que Dieu se complairait dans la souffrance de ses serviteurs ! Une bonne part de l’athéisme moderne est liée au refus d’une telle caricature de la divinité. Albert Camus en fut un témoin véhément. Il faut, avec toute la Révélation, affirmer clairement qu’aucune rédemption ne peut justifier que des innocents soient broyés en raison du péché des hommes. Non seulement Dieu n’est pas à l’origine du péché des hommes, mais mieux encore il le combat pour que l’homme ait la vie.

La vie du Christ est tout entière un témoignage de l’engagement de Dieu dans ce combat au service de l’homme blessé. Ce n’est pas tant la souffrance qui sauve, mais bien l’amour que le Juste, le Serviteur souffrant nous porte. En accomplissant en sa chair la prophétie d’Isaïe, Jésus accepte de traverser par amour l’épreuve de la mort. Il rend ainsi justice à l’Innocence de Dieu et à son œuvre de salut en notre faveur.

« Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées » (Marc 10,40)

La Croix, trône d’infamie, est aussi le trône de gloire d’où le jugement est prononcé. Mis au rang des malfaiteurs, Jésus est pourtant le Juge. Les deux assesseurs  sont les deux malfaiteurs placés l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Etonnants assesseurs qui participent eux aussi à la mise à mort du Juste : « même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient » (Marc 15,31). Voilà pourquoi il n’appartenait pas au Christ « d’accorder » ces places d’honneur ! Qui pourrait les accepter ?

C’est en ce moment tragique où il est mis au dernier rang de l’humanité, que le Christ révèle sa totale liberté, liberté royale, recréatrice de vie au cœur d’un monde en perdition. Si en proclamant la sentence de la Croix les hommes pécheurs se sont eux-mêmes condamnés, le Juste souffrant dans le don du pardon ouvre aux injustes qui l’assistent la porte du Royaume.

Comme le souligne l’auteur de la lettre aux Hébreux :

« Il n’a pas été incapable de partager nos faiblesses et a pénétré au-delà des cieux » (Hébreux 4,14-15).

« Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous «  (Marc 10,43-44).

L’accès aux places réservées, suppose pour les disciples de boire la coupe du Christ et de recevoir le baptême dans lequel il a été plongé (Marc 10,38-39). Passer par l’humiliation et la mort, refuser de convoiter la place du plus grand qui ne peut être que celle du Christ, accueillir comme un don la place du serviteur, telles sont désormais les attitudes qui doivent être celles de tout chrétien.

En ce dimanche de la mission universelle de l’Eglise, comment ne pas évoquer et prier la petite carmélite de Lisieux honorée du titre de Docteur de l’Eglise : Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face ? Elle nous indique par sa vie ce qu’est ce mystère du service : « Ô Jésus, mon amour, ma vocation enfin je l’ai trouvée. Ma vocation c’est l’amour. »


Dimanche 11 Octobre : 28ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : Sg 7, 7-11 ; Ps 89 ; He 4, 12-13 ; Mc 10, 17-30 ]

AIMER LA SAGESSE

« Je l’ai aimée plus que la santé et que la beauté » (Sagesse 7,10)

Au terme d’un processus d’approfondissement de la Révélation qui s’est déroulé sur près de deux millénaires, à quelques encablures de la venue du Christ, l’auteur du livre de la Sagesse médite ce qui est pour lui la manifestation tangible de Dieu dans la Création.

Non seulement la Sagesse donne le discernement et l’intelligence du dessein de Dieu sur l’homme et sur l’ensemble de l’univers créé, mais plus encore elle est ce qui permet à l’homme d’entrer dans l’intimité de la vie bienheureuse. Aussi est-elle le bien suprême qui doit être préféré à tout autre bien.

Avec une audace étonnante, l’auteur sacré lui donne une personnalité qui déjà nous met en direction du mystère trinitaire : « je l’ai aimée et recherchée depuis ma jeunesse. Elle manifeste la gloire de sa noble naissance puisqu’elle partage la vie de Dieu » (Sagesse 8,2-3). Aussi, lorsque le Fils éternel du Père apparaît dans le monde pour y vivre en vérité la condition humaine, peut-il être reconnu comme cette sagesse en acte au cœur de l’humanité, apportant lumière et vérité.

 « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; … elle juge des intentions et des pensées du cœur » (Hébreux 4,12).

Nos pensées et nos actions sont bien souvent frappées d’incohérence, de contradictions, d’inconstance. Une parole extérieure empreinte de sagesse peut nous aider à mettre de la clarté afin de mieux orienter, diriger cette action. Cette parole agit comme un révélateur. Ainsi en est-il de la Parole de Dieu comme le souligne l’auteur de la lettre aux Hébreux. Cette Parole, cette Sagesse n’est autre que le Christ. Dans l’Evangile de ce jour nous assistons à l’opération de clarification de l’esprit et du cœur de l’homme qui voulait « hériter de la vie éternelle » (Marc 10,17) comme si cette dernière pouvait faire nombre avec les richesses dont il a hérité de ses parents. Dieu ne peut s’acheter. Il faut le désirer absolument, l’aimer par-dessus tout.

A travers la faiblesse de l’homme riche, c’est notre incapacité d’aimer que le Christ dévoile en posant sur notre blessure un regard d’amour.

 « … Qui peut être sauvé ? Pour les hommes cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu » (Marc 10,26-27).

Jésus vient ouvrir le chemin de l’espérance. Le Royaume est un don qui, heureusement, ne dépend en rien de nos mérites. Si les seules observances suffisaient pour l’obtenir, nous serions à nous-mêmes la source du Salut. En nous mettant à la suite du Christ comme Il nous y invite : « Viens et suis-moi » (id.v21), nous passons de l’amour du don à l’amour du donateur et accédons à l’unique richesse : la Sagesse qui conduit au Royaume de la vie éternelle.


Dimanche 4 Octobre :    27ème dimanche du temps ordinaire    [Lectures :Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16 }

 L’UNION INDISSOLUBLE

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra » …Tous deux ne feront plus qu’un » (Genèse 2,18…24).

En ce temps qui est le nôtre où dominent le relativisme extrême des mœurs et l’hypersubjectivisme dans les comportements, pas de meilleur antidote à la funeste pensée unique que le retour au vieux texte biblique du début de la Genèse. Avec une grande profondeur et au travers d’images à la saveur poétique l’auteur sacré vient mettre en évidence le dessein de Dieu sur le fondement majeur de l’œuvre créatrice : l’union de l’homme et de la femme. Image et ressemblance de l’unité divine qui est communion d’amour, l’unité conjugale suppose de quitter la stérilité de l’unité de solitude pour passer à la communion des différences porteuse de fécondité et d’avenir.

Avec humour, l’auteur sacré trace les étapes qui font de l’être humain, dans la dualité conjointe des sexes, une icône de ce que Dieu nous révèle de lui-même. Transcendant le monde animal pourtant lui aussi ouvert sur la vie mais enclos dans chaque espèce, Adam doit reconnaître avec humilité que « l’aide qui lui correspond » est tout entière porteuse de vie, alors qu’en lui demeure la menace de la mort. Pour être lui aussi donneur de vie, pro-créateur, il lui faut accueillir comme un don celle qui, par acte souverain du Créateur, lui permet d’être avec elle au cœur de la création l’icône de l’amour incréé du Dieu unique, plénitude de communion du Père, du Fils et de l’Esprit.

 « Donc ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Marc 10,9).

Le passage de l’unité de solitude à l’unité de communion, s’il est inscrit dans le dessein de Dieu, n’en suppose pas moins un acte de liberté. L’unité ne s’impose pas de l’extérieur. Elle est à construire par l’accord profond des deux libertés appelées  à se rencontrer pour constituer un être nouveau – l’être conjugal – ouvert sur un avenir, une histoire, eux-mêmes signes d’une histoire plus essentielle, celle de l’Alliance que Dieu vient sceller avec l’humanité.

Pourquoi alors l’échec marque-t-il douloureusement les unions humaines ? En raison, nous dit Jésus, de la sclérocardie c’est-à-dire la dureté du cœur. C’est en elle que s’origine la pensée unique, celle qui justifie les répudiations, les divorces, les déchirures multiples. Il n’en était pas ainsi au commencement, celui de la Parole originelle porteuse de vie et d’amour.

Seul le Christ, époux de l’humanité, Verbe éternel peut nous guérir de cette meurtrissure et conduire l’humanité à la perfection de l’unité selon le cœur de Dieu.

 « Celui qui n’accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas » (Marc 10,15).

Si un couple humain est ouvert par l’enfant à son avenir, combien plus, celui qui est l’Enfant par excellence, le Fils incarné, ouvre-t-il notre humanité blessée à son véritable avenir, le Royaume de Dieu où l’unité sera réalisée.

Ce qui était signifié au commencement par la Parole créatrice, et dont le mariage est aujourd’hui le signe sanctifiant, est porté à sa perfection par le Christ en son mystère pascal.

Comme le dit magnifiquement l’auteur de la lettre aux Hébreux : « C’est Jésus qui sanctifie, et les hommes qui sont sanctifiés, sont de la même race ; et pour cette raison, il n’a pas honte de les appeler ses frères » (Hébreux 2,11).


Dimanche 27 Septembre   26ème dimanche du temps ordinaire
                                                                      [Lectures :
Nb 11, 25-29 ; Ps 18 ; Jc 5, 1-6 ; Mc 9, 38-43.45.47-48 ]

L’ESPRIT SANS EXCLUSIVE

« Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes » (Nombres 11,29).

Le péché « d’exclusivité » est l’une des formes du péché de l’envie-jalousie qui ne cesse d’envenimer les relations des hommes entre eux et des hommes avec Dieu ! Dès les origines, l’homme est jaloux de la condition divine qu’il aimerait arracher à Dieu pour se faire « comme Dieu » (Genèse 3,5). Le Christ est livré à Pilate « par jalousie » précise saint Matthieu (27,18). C’est cette attitude que nous rencontrons aujourd’hui dans l’Ecriture : Josué ne peut accepter que deux hommes étrangers au cercle des inspirés puissent prophétiser au même titre. De même les Apôtres ont cherché à imposer silence à « quelqu’un qui chassait des esprits mauvais » au nom du Christ (Marc 9,38).

Préfigurant le Christ, Moïse sait que le don de Dieu ne peut  être confisqué par quelques uns à leur profit. Le don est toujours fait en vue de la constitution d’un peuple libre. Souffle universel, l’Esprit franchit les frontières que nous voudrions lui imposer. L’Eglise, aujourd’hui comme hier, ne peut l’accepter. Elle deviendrait alors une secte parmi d’autres et trahirait sa mission.

« Ecoutez-moi, vous les gens riches ! … Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous résiste » (Jacques 5,1…6).

Le chemin du Royaume est celui de la libération. La charité mise en œuvre sur cette route en est l’agent le plus efficace. Elle est pourtant contrecarrée par nos comportements d’envie-jalousie discernés avec lucidité par saint Jacques. En mettant notre assurance dans des valeurs qui sont négation de l’amour nous portons atteinte à la dignité humaine, tant celle de nos victimes exclues de la vie de l’Esprit, que la nôtre. Avec profondeur saint Jacques nous montre que le refus de l’amour conduit tragiquement  à la négation de l’unique Juste : « Vous l’avez tué sans qu’il vous résiste ». La Passion du Christ est toujours présente dans la souffrance du pauvre.

« Il vaut mieux entrer manchot, estropié, borgne dans le Royaume de Dieu que d’être jeté avec les deux mains, les deux pieds, les deux yeux dans la Géhenne » (Marc 9,43…47).

Avec des images très suggestives le Christ nous interroge sur la vérité de notre désir du Royaume. Il nous faut nous déposséder de cette terrible envie-jalousie, de cette volonté de possession et d’asservissement. Reprenant les accents vigoureux du Prophète, de Jean-Baptiste, le Christ nous invite à comprendre que rien ne peut être préféré au Royaume. Acquérir la vraie lumière, celle de la Sagesse, la vraie charité, celle de l’amour qui unit, la vraie liberté, celle de la vérité, est un don de l’Esprit. Ce don, confié à l’Eglise doit atteindre tout homme dans son chemin vers le Royaume, là où toutes choses seront nouvelles (Apocalypse 21,5).


Dimanche 20 Septembre   25ème dimanche du temps ordinaire   
                                                                               [Lectures :
Sg 2, 12.17-20; Ps 53Jc 3, 16; 4, 3; Mc 9, 30-37]

L’ENFANT, LE SERVITEUR ET LE CHRIST

« Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ne m’accueille pas moi, mais celui qui m’a envoyé » (Marc 9,35).

Le service selon l’Evangile est passage au « plus petit ». L’enfant en est la figure emblématique. Sans puissance ni autorité, il est dépendant de ceux qui ont la charge de le faire grandir. Il ne peut que leur faire confiance. Dans sa Passion, se faisant le dernier, le plus humble des serviteurs, le Christ vient prendre la place du pauvre, du faible, de l’exploité, du maltraité. L’enfant de Dieu qu’Il est par excellence se livre aux mains des fils dénaturés que sont les pécheurs. Dans l’humilité de l’enfant-serviteur, il descend au plus bas de l’humanité afin d’ouvrir le chemin du retour au Père aux enfants égarés que nous sommes.

En nous identifiant à lui dans le sacrifice eucharistique, le Christ nous fait passer au Père et nous donne d’accéder  à la place unique, préparée de toute éternité, celle de fils bien-aimés.

« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Marc 9,35).

Pour l’homme marqué par le péché, être le premier, être le plus grand c’est dominer, voire nier, supprimer autrui. Dans le mystère pascal, le Christ vient inverser le sens. La vraie primauté, la vraie grandeur ne se trouvent pas là où nous les situons. Le plus grand, le premier, c’est Dieu. Vouloir être le plus grand c’est en vérité vouloir être son image et sa ressemblance. Jésus nous révèle la manière divine d’être grand : se faire serviteur. La vraie grandeur selon le cœur de Dieu c’est celle du service et non celle de la domination. Saint Paul l’exprime admirablement dans l’hymne aux Philippiens : « Il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur ». (Philippiens 2,6-7).

De même que l’enfant qui est le Christ nous donne le bonheur d’accéder à notre condition d’enfant de Dieu, de même le serviteur qu’Il est en sa vie et sa mort nous ouvre l’accès à la première place. Telle est la manière divine d’être grand.

« C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de paix » (Jacques 3,18).

L’Apôtre Jacques décrit avec discernement la logique perverse du péché qui conduit à toutes les formes de conflits et de violences tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. Rejoignant la prédication paulinienne, il lui oppose la Sagesse divine qui produit paix, tolérance, compréhension, miséricorde. Ce sont les fruits de la Sagesse que nous devons demander. Nous retrouvons ici les accents les plus anciens de la première Alliance et ceux de la Nouvelle puisque cette Sagesse incarnée est le Fils de Dieu lui-même, et la Sagesse infusée n’est autre que l’Esprit.

N’est-ce-pas l’enseignement du Christ, l’unique Fils, le véritable Serviteur ? : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés Fils de Dieu » (Matthieu 5,8).


Dimanche 13 Septembre   24ème dimanche du temps ordinaire    [Lectures : Is 50, 5-9aPs 114; Jc 2, 14-18; Mc 8, 27-35]

PROFESSER LA FOI

 « Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » (Marc 8,29).

En ces temps où les Catholiques de Paris sont invités par leur Archevêque à mieux prendre conscience de leur foi pour mieux en répondre en tous domaines et lieux de société, la question posée par le Christ à ses Apôtres prend une actualité brûlante. Il s’agit pour les disciples hier à Césarée de Philippe, pour nous à Paris aujourd’hui, de prendre une position claire à l’endroit de Celui qui est venu restaurer en nous la ressemblance divine que notre péché nous a fait perdre. Notre foi porte, non sur un Messie triomphant à la manière des hommes, mais sur un Messie crucifié porteur, à travers sa souffrance et sa mort ignominieuse, de la présence et de la vie divine.

Ne pas reconnaître Celui qui est la source de la vie et de l’amour dans la figure du Serviteur souffrant, humilié, assassiné, est un acte de contre-foi à l’instar de Pierre traité par le Christ de Satan, c’est-à-dire d’obstacle, d’adversaire du dessein divin de salut. En accueillant au contraire le Crucifié, nous lui permettons, dans l’acte même de la perte de sa vie d’homme, de gagner la nôtre et de l’introduire dans sa gloire de Ressuscité.

 « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile la sauvera » (Marc 8,35).

Avouons honnêtement que nous avons peur de perdre ce que nous considérons comme des biens indispensables à notre vie d’homme. Argent, pouvoir, autorité, notoriété, jouissances de toutes sortes, nous paraissent des valeurs capables de donner sens à nos existences. Ce sont celles que le Christ vient contester. « Humaines, trop humaines » selon le mot de Nietzsche, ces valeurs sont des idoles auxquelles le Christ veut nous arracher. Professer la foi c’est reconnaître que l’unique chemin du salut est celui emprunté par le Christ : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (id v.34). Même s’il nous fait peur, comme il a fait peur à Pierre et aux autres disciples, ce chemin est celui de la vérité et de la vie.

 « Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ? » (Jacques 2,14).

S’il est vrai, comme saint Paul l’a souligné avec force, que « c’est par la foi que le juste vivra » (Galates 2,21), encore faut-il que cette foi soit vraie, conforme à l’enseignement du Christ : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit » (Luc 6,44). Ces fruits de la foi véritable que l’Apôtre énumère longuement (Galates 5,22-25) correspondent à l’exhortation de saint Jacques qui nous rappelle que notre foi doit s’exprimer en des gestes concrets assurant sa visibilité et manifestant son authenticité.

Implorons l’Esprit de vérité pour qu’il nous aide à trouver ces gestes qui diront notre foi, c’est-à-dire notre amour


Dimanche 6 Septembre   23ème dimanche du temps ordinaire    [Lectures : Is 35, 4-7a ; Ps 145 ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37 ]

LES SIGNES DU SALUT

« Voici votre Dieu : … Il vient lui-même et va vous sauver » (Isaïe 35,4).

En une suite fulgurante d’images : aveugles qui voient, sourds qui entendent, boiteux qui bondissent, muets qui crient de joie, terres arides qui se changent en eaux jaillissantes, le Prophète de la première Alliance évoque le résultat de l’action divine : une humanité restaurée jusque dans sa corporéité, une terre renouvelée. Bien au-delà de l’événement historique de la rupture d’Alliance commise par le peuple infidèle, au-delà de la libération que laisse entrevoir le Prophète, c’est la promesse d’un monde nouveau qui s’affirme au travers de cette « revanche de Dieu » sur toutes les souffrances individuelles ou collectives. Dieu ne prend pas son parti de la rupture engendrée par le péché des hommes. Il veut toujours que cet homme qu’Il aime, ainsi que toute la création voulue « bonne » en son origine, adviennent à la gloire du septième jour évoqué au livre de la Genèse.

« Tout ce qu’il fait est admirable : il faut entendre les sourds et parler les muets » (Marc 7,37).

C’est cette « vengeance », cette « revanche » de Dieu que le Christ accomplit par sa Résurrection. Le geste de guérison relaté par l’Evangile de ce jour en est la prophétie en acte. Il manifeste que Dieu ne peut consentir à notre malheur et à toutes ses conséquences. S’il n’en était pas ainsi, nous serions seulement les produits du « hasard et de la nécessité ».

En mettant un terme à la surdité et au mutisme de l’homme rencontré en territoire païen, le Christ lui donne d’être à nouveau un être de relation, de communication, mieux encore : de communion tant avec ses frères qu’avec Dieu lui-même. C’est un païen, soulignons-le, qui est guéri. Signe très fort : le païen n’a-t-il pas dénaturé par son idolâtrie sa relation à Dieu ? Relisons l’Ecriture :

 « Leurs idoles, or et argent, une œuvre de main d’homme !

… Comme elles, seront ceux qui les firent,

Quiconque met en elles sa foi » (Psaume 115,4…8)

Mais à travers la figure du païen c’est tout homme qui est invité à s’ouvrir à la parole créatrice qui délivre, unifie, fait entrer en communion. 

« Effata ! Ouvre-toi ! » (Marc 7,34)

En entrant au contact physique avec l’homme malade, le Christ souligne tout l’enjeu de son Incarnation. Par lui, Dieu ne répugne pas à toucher notre mal, à prendre sur lui la chair du péché que, par amour, il exténuera dans la mort du Fils.

Ainsi cet « Effata », repris dans la liturgie baptismale, est-il annonce du mystère pascal, du don de l’Esprit porteur de la communion trinitaire.

Encore faut-il, comme saint Jacques nous y incite, rejeter nos attitudes de fermeture, d’égoïsme, d’exclusion, pour devenir « les héritiers du Royaume … promis à ceux qui l’auront aimé » (Jacques 2,5).


Dimanche 30 Août   22ème dimanche du temps ordinaire
                                                     [Lectures : 
Dt 4, 1-2.6-8 ; Ps 14 ; Jc 1, 17-18.21b-22.27 ;Mc 7, 1-8.14-15.21-23}

Dimanche 23 Août    21ème dimanche du temps ordinaire
                                                                 [Lectures : 
Jos 24, 1-2a.15-17.18b ; Ps 33; Ep 5, 21-32 ; Jn 6, 60-69 ]

Dimanche 16 Août    20ème dimanche du temps ordinaire     [Lectures : Pr 9, 1-6 ; Ps 33 ; Ep 5, 15-20 ; Jn 6, 51-58}

Samedi 15  Août    Solennité de l'Assomption     [Lectures : Ap 11, 19a; 12, 1-6a.10ab; Ps 44 ; 1Co 15, 20-27a ; Lc 1, 39-56]

Dimanche 9 Août    19ème dimanche du temps ordinaire     [Lectures : 1R 19, 4-8;  Ps 33Ep 4, 30-32; 5, 1-2 ; Jn 6, 41-51]

Dimanche 2 Août    18ème dimanche du temps ordinaire   [Lectures : Ex 16, 2-4.12-15; Ps 77Ep 4, 17.20-24 Jn 6, 24-35]


Dimanche 26 juillet    17ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : 2R 4, 42-44;   Ps 144Ep 4, 1-6; Jn 6, 1-15

 ]Dimanche 19 juillet    16ème dimanche du temps ordinaire       [Lectures :  Jr 23, 1-6 ; Ps 22 ; Ep 2, 13-18 ; Mc 6, 30-34 ]

Dimanche 12 juillet    15ème dimanche du temps ordinaire        [Lectures :  Am 7, 12-15; Ps 84; Ep 1, 3-14; Mc 6, 7-13  ]


Dimanche 5 juillet    14ème dimanche du temps ordinaire   [Lectures :  Ez 2, 2-5; Ps 122,   2Co 12, 7-10;  Mc 6, 1-6 ]

LA SAGESSE INCOMPRISE

« Qu’ils écoutent ou qu’ils refusent … ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux » (Ezéchiel 2,5).

Complexité des psychologies humaines face à l’inattendu de Dieu ! Le rejet, la révolte, sont le lot des envoyés du Dieu unique. Celui-ci, tout au long de la Première Alliance, montre à quel point il accepte la complexité ambiguë de nos attitudes face à la Révélation. Celle-ci s’exprime au travers de la médiation humaine. L’Alliance est l’unique manière par laquelle Dieu veut faire percevoir son dessein de réconciliation. C’est en suscitant de l’intérieur de cette humanité celui qui a la charge d’être le témoin de cette Alliance que Dieu permet à Israël, ainsi qu’aux nations païennes, d’accéder à la connaissance de son dessein d’amour. Tout ce processus culmine dans l’Incarnation par laquelle Dieu atteint l’homme de manière totale et définitive : en Jésus de Nazareth, Sagesse incarnée, à la fois écoutée et rejetée.

« D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette Sagesse qui lui a été donnée et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? » (Marc 6,2).

Cette tension entre l’écoute et le refus, déjà présente tout au long de la première Alliance, trouve son apogée dans l’Incarnation de la Sagesse divine. Celui qui est le « Tout Autre » a voulu prendre la condition humaine en un temps précis, en un lieu déterminé de l’histoire humaine. Cet homme aux relations si semblables aux nôtres, ayant vécu trente années dans l’humilité silencieuse d’un petit bourg de Galilée, apparaît soudainement « autre », dépositaire d’une Sagesse et d’une puissance qui ne peuvent venir que de Dieu. Aussi Jésus se heurte-t-il dès ses premières manifestations publiques à l’interrogation soupçonneuse de la raison quant à la possibilité pour la particularité humaine d’exprimer l’universalité divine. Dans le dépouillement, dans l’obéissance, jusqu’à la plus extrême faiblesse consommée dans la mort de la Croix, Jésus révèle le mouvement de l’amour que Dieu est en lui-même et pour nous.

 « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12,9).

Configuré au Christ souffrant, l’apôtre Paul expérimente dans sa vie de missionnaire ce que Jésus a vécu dès le début de son ministère : « insultes, contraintes, persécutions, situations angoissantes » (2 Corinthiens 12,10). En acceptant d’être rejeté, réduit à l’impuissance, le Christ provoque par sa faiblesse  qui est l’amour la désintégration du cœur de pierre qui nous rend inertes, sans vie. Cet amour exprimé dans la plus extrême faiblesse, celle de la Croix, désarme le péché et la mort qui ne peuvent plus poursuivre leur œuvre destructrice au-delà de la mort du Fils. Telle est la grâce qui nous suffit.


Dimanche 28 Juin     13ème dimanche du temps ordinaire
                                                            [Lectures :
Sg 1, 13-15; 2, 23-24 ; Ps 29 ; 2Co 8, 7.9.13-15; Mc 5, 21-43 ]

DIEU, SOURCE DE LA VIE

 « Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même » (Sagesse 2,23).

Il fallait à l’auteur du livre de la Sagesse une foi profonde et une connaissance intime de Dieu pour affirmer avec force son innocence quant au problème du mal, de la souffrance et de la mort.

En des temps où la foi en la Résurrection n’était pas établie, la position de l’auteur sacré est d’une audace prophétique incommensurable. En dépit de l’apparente contradiction que lui oppose la réalité souffrante et mortelle de l’homme, l’auteur tient Dieu pour la véritable source de vie que sa justice veut communiquer à toute la Création. Avec finesse l’auteur voit dans cette justice divine la forme concrète de l’amour qui seul est capable de nous faire devenir « comme Dieu », de partager sa vie éternelle.

Quant à la cause du malheur, elle n’est autre que « la jalousie du démon » (v.24) qui trouve un relais pervers en « ceux qui se rangent dans son parti » (id).

 « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal » (Marc 5,34).

Ce que la foi de l’auteur du livre de la Sagesse affirmait avec espérance, le Christ vient le réaliser, accomplissant l’Ecriture. En venant dans le monde, le Fils de Dieu vient s’opposer à la jalousie du diable, éliminer le « prince de ce monde » meurtrier de l’homme, et établir le Règne de Dieu. Verbe incarné, le Christ se dépossède de sa vie, assume notre mort afin de faire surgir du néant « l’existence impérissable ».

Mais cette transformation ne peut s’accomplir sans notre libre consentement. Comme la femme affligée de pertes de sang, comme Jaïre, le Christ nous demande d’épurer notre foi, de passer de l’état d’ébauche encore mêlée de crainte et de superstition à la foi en une parole libératrice qui ouvre à l’adoration et à la reconnaissance. Cette parole est déjà celle du Ressuscité qui arrache l’homme à la puissance de la mort : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi » (Marc 5,41).

 « Lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Corinthiens 8,9).

Comme le soulignait l’auteur du livre de la Sagesse, tout s’origine dans la bonté foncière de Dieu. Cette générosité, ou plutôt cette charité divine, accomplit la justice immortelle à laquelle nous devons rendre grâce comme le psalmiste :

                  « Tu as changé mon deuil en une danse,
                   mes habits funèbres en parure de joie !
                   Que mon cœur ne se taise pas,
                   qu’il soit en fête pour toi et que sans fin, Seigneur  mon Dieu,
                   je te rende grâce » (Psaume 29/12-13).

 C’est à une foi totale que nous sommes invités. Pas d’autre chose à faire que de répondre à l’invitation du Christ : « Ne crains pas, crois seulement » (Marc 5,36).


Dimanche 21 Juin   12ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : Jb 38, 1.8-11 ; Ps 106 ; 2Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41 ]

VERS LA NOUVELLE CREATION

« Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né » (2 Corinthiens 5,17).

Après les grandes fêtes qui ont achevé le cycle pascal, la reprise du temps ordinaire nous maintient dans la perspective du renouvellement de toute chose accomplie par le Christ mort et ressuscité. Le très beau passage de la deuxième lettre de saint Paul aux Corinthiens est une magnifique méditation  sur la condition de l’homme sauvé et éclaire de manière théologique le récit évangélique. Une fois de plus l’apôtre oriente l’attention de ses lecteurs vers le cœur du mystère christologique qui est au centre de sa pensée. « Nous ne connaissons plus personne à la manière humaine » (v.16) fait référence à la condition humaine pécheresse. La foi au Ressuscité commande désormais notre compréhension du dessein divin à l’endroit de sa créature et de toute la création. « Etre en Jésus-Christ » (v.17) ouvre l’homme à une condition nouvelle d’où le péché se trouve enfin banni. Ayant plongé dans notre mort, le Christ Ressuscité nous plonge dans la sienne qui est devenue traversée vers le monde nouveau de la Résurrection. Le Baptême est désormais le lieu où Jésus nous donne les prémices de sa victoire. Par sa puissance rédemptrice nous sommes une « créature nouvelle » (id.v.17).

« Passons sur l’autre rive » (Marc 4,35).

Véritable parabole en acte, la scène rapportée par saint Marc nous invite à dépasser l’événement du lac pour y lire déjà l’aventure pascale si magnifiquement exprimé par saint Paul. Nous retrouvons ici tous les symboles bibliques de l’histoire du salut : grandes eaux expression des puissances maléfiques qui cherchent à faire retourner la création au chaos primordial, Parole de Dieu souveraine imposant « les limites, les portes et les verrous » (Job 38,10), souffle puissant de cette Parole qui arrache l’homme au désastre de la mort et le conduit aux rives de la liberté et de la vie.

                   « Ils se réjouissent de les voir s’apaiser
                   d’être conduits au port qu’ils désiraient
                   qu’ils rendent grâce au Seigneur de son amour,
                   de ses merveilles pour les hommes »      (Psaume 106,30-31).

 « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que n’ayez pas la Foi ? (Marc 4,40).

Parabole de la Pâque du Christ, parabole de la destinée du croyant, le récit évangélique est aussi parabole de la vie de l’Eglise. Affrontée comme son Seigneur aux puissances de la Mort, chargée du poids des péchés de ses propres enfants, la barque de Pierre semble bien fragile face à toutes ces tempêtes. Par la peur qui peut nous étreindre, nous risquons d’en rester à une compréhension  toute humaine comme l’énonçait saint Paul. Or c’est au moment où Dieu semble le plus lointain, voire le plus faible – « Il dort » - qu’Il annonce le grand réveil, seul capable de nous faire passer de la peur à la foi. N’est-ce pas au temps du réveil définitif que les apôtres effrayés et craintifs vont s’ouvrir à la Paix, à la Foi, à l’Amour ?

C’est à ce même passage que nous sommes conviés pour connaître non plus de manière humaine, mais en Christ (2 Corinthiens 5,17) notre nouveauté.

Il est bien vrai que « le monde ancien s’en est allé, qu’un monde nouveau est déjà né » (id). Sachons le reconnaître et en rendre grâce.


Dimanche 14 Juin     Solennité du Saint-Sacremlent du Corps et du Sang du Christ
                                                        [Lectures :
Ex 24, 3-8 ; Ps 115 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26 ]

LE SACREMENT DE LA VIE DIVINE

 « J’élèverai la coupe du salut, j’invoquerai le nom du Seigneur » (Psaume 115,13).

Ce que nous avons célébré au soir du Jeudi Saint, en mémoire de la Cène du Seigneur, il nous est donné de le revivre aujourd’hui à la lumière de la Pâque, de la Pentecôte et du mystère trinitaire.

Ce sacrement qui constitue le centre et le sommet de la vie chrétienne, qui est le cœur de la vie de l’Eglise, nous met en présence de l’engagement personnel de Dieu à travers la réalité sans précédent du Fils qui se fait tout à tous en faisant du pain et du vin, symboles de nos nourritures terrestres, son corps et son sang, source de vie éternelle. L’alliance est alors définitive. Le Christ réalise ce que le Père a toujours voulu pour l’homme. En se donnant en nourriture c’est déjà notre divinisation qui s’accomplit. Une seule attitude est digne du don : l’action de grâce, pour que, nous aussi, nous devenions « eucharistie » à l’image et à la ressemblance du Fils.

 « En répandant, non pas le sang des animaux, mais son propre sang : il a obtenu une libération définitive » (Hébreux 9,12).

Signe de la libération de la terre d’esclavage et de mort, la Pâque des Hébreux demeure pourtant provisoire. Pour que la libération définitive soit obtenue il faut que soit substitué à l’agneau pascal, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jean 1,29).

C’est dans l’immolation de la Croix et le sang versé que se donne en plénitude la vérité de l’engagement de Dieu.

Parce que l’humanité du Christ est le lieu parfait de l’Alliance de Dieu et de l’homme, l’homme pécheur, comme les Hébreux au désert, fait l’expérience que l’œuvre de destruction qu’il a accomplie lui revient en surabondance de vie et d’amour. Le sacrifice du Christ est converti par l’amour en « offrande  à Dieu comme une victime sans tâche » et « son sang purifiera notre conscience des actes qui mènent à la mort pour que nous puissions célébrer le culte du Dieu vivant » (Hébreux 9,14).

 « Prenez, ceci est mon corps ». «  Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, répandu pour la multitude » (Marc 14,22-24).

En choisissant le pain et le vin, fruits de la terre, de la vigne et du travail des hommes, pour être à jamais le signe de sa présence glorieuse dans l’univers, le Christ rejoint le dessein créateur en son commencement primordial.

Vrai pain de vie, vraie boisson de sagesse, le Christ est chemin de vérité et de vie. En dressant le repas de communion, Il constitue son Corps qui est l’Eglise, prémices de l’humanité nouvelle que Dieu épouse en son Fils ressuscité. Il en résulte un impératif : ne pas séparer ce que Dieu a uni. Le conseil sponsal s’étend désormais à toute l’humanité » : « Si vous recevez ce sacrement qui vous incorpore au Christ, ce n’est pas pour vous séparer de lui » (Saint Augustin – Sermo Denis II,4).


Dimanche 7 Juin   Solennité de la Sainte Trinité [Lectures : Dt 4,32-34.39-40 ; Ps 32 ; Rm 8, 14-17 ; Mt 28, 16-20 ]

LE NOM QUI DONNE LA VIE

« Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu de la flamme et qui soit resté en vie ? » (Deutéronome 4,33).

Rencontre ardente de Moïse et du Dieu de vie au buisson à la flamme de feu, rencontre du peuple et de son Dieu dans la théophanie incandescente de l’Horeb, autant d’étapes fondatrices qu’Israël doit méditer pour comprendre le lien vital qui l’attache à son Dieu, l’UNIQUE, en rupture radicale d’avec toutes les conceptions polythéistes des nations. « Interroge les temps anciens qui t’ont précédé … » (id. v 32) proclame Moïse au livre du Deutéronome.

Israël apprend tout d’abord la transcendance de Celui que nul ne peut nommer : « Je suis qui je suis » (Exode 3,14). Il découvre aussi sa proximité : « Je vivrai au milieu de vous, je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Lévitique 26,12).

Dieu est mystère de vie, de communion. La transcendance se dit dans l’Alliance. Celle-ci, par la Parole et l’Esprit, exprime déjà que l’unité n’est pas monolithisme incommunicable, mais source de vie, signe d’une communion dont le nom est amour.

 « C’est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant « Abba » (Romains 8,15).

Nul mieux que Paul, formé en sa jeunesse à scruter les Ecritures par un maître incontesté, le Rabbi Gamaliel, ne peut rendre compte de la compréhension de l’Unique comme communion. Au chemin de Damas n’a-t-il pas fait en quelques instants toute l’expérience d’Israël « entendant la voix de Dieu parlant du milieu de la flamme et qui est resté en vie » ? De la lumière éblouissante de sa gloire, le Fils fait entendre sa voix, non pour la mort à laquelle s’attachait le persécuteur, mais pour la vie, celle de la mission pour le monde.

L’expérience du Ressuscité donne à Paul de découvrir le Nom de Celui que l’on ne pouvait nommer. Ce nom est pour la vie : « Abba », « Père ». Ici, celui qui deviendra Apôtre « non de la part des hommes ni par l’intermédiaire d’un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père qui l’a ressuscité des morts » (Galates 1,1) rejoint l’expérience des Douze à qui Jésus avait confié le nom du Père pour le prier par le don de l’Esprit transmis au soir de Pâques et dans la théophanie de la Pentecôte.

 « De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit … Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28, 19-20).

Cette effusion de l’Esprit, confirmée pour Paul en son baptême des mains d’Ananie, est révélation que l’unité divine est perpétuel échange d’amour. Tout ce qui est au Père est donné au Fils. Tout ce qu’est au Fils est offert au Père dans la communion essentielle de leur commun amour : l’Esprit. Véritable vecteur de la vie divine, celui-ci la porte aux hommes. Guérissant le péché, source de division, Il crée la nouvelle unité, celle des enfants de Dieu, le corps du Christ.

Demandons au Dieu « trine et un » de nous donner la grâce de ne pas faire obstacle à l’amour qui est source de vie pour nous-mêmes et nos frères. C’est ainsi que le Fils veut être présent avec nous jusqu’à la fin du monde dans la communion du Père dans l’Esprit.


Dimanche 31 Mai : Dimanche de Pentecôte   [Lectures : Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Ga 5, 16-25 ; Jn 15, 26-27; 16, 12-15 ] ;

VIVRE SELON L’ESPRIT

 « Puisque l’Esprit nous fait vivre, laissons-nous conduire par l’Esprit » (Galates 5,25).

Nul, mieux que Paul, ne saurait être le chantre de l’Esprit Saint. Cette  année paulinienne nous a permis de mieux découvrir la force de transformation de l’Esprit en l’apôtre devenu le témoin zélé de la charité divine. Celle-ci est le fruit de l’Esprit. En se laissant conduire par Lui, l’homme devient producteur « d’amour, de joie, de paix, de patience, de bonté, de bienveillance, de foi, d’humilité, de maîtrise de soi » (Galates 5,22-23). Ces dispositions sont unificatrices de l’homme et expriment sa vérité de fils de Dieu.

« Vivre sous la conduite de l’Esprit,  c’est donc laisser Dieu agir en nous pour que les actions de la chair » (Galates 5,19-21), c’est-à-dire ce qui en nous s’oppose à l’Esprit, soient vaincues et fassent place à l’unité, ultime fruit de la charité divine.

 « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera donc vers la vérité tout entière » (Jean 16,13).

Au cours des derniers moments passés avec ses Apôtres avant d’entrer dans sa Passion, le Christ insiste très fortement sur cette présence nouvelle que l’Esprit Saint va mettre en œuvre. Dans la discrétion et la mobilité qui le caractérisent, Il est comme l’ultime mot de Dieu porteur de sa vérité au coeur du monde, au cœur de l’homme. Présent au surgissement et à l’éveil de la vie du monde créé, insufflé à l’homme tiré de la terre, Adam, pour qu’il soit l’image et la ressemblance du Créateur, l’Esprit préside à la naissance de l’homme nouveau dans l’obombration de la Vierge Marie.

Il est aussi l’inspirateur de l’œuvre rédemptrice qui trouve son accomplissement dans le mystère pascal. Désormais « Dieu-pour –nous » Il vivifie le nouveau peuple de Dieu, l’Eglise, et a pour mission de nous guider vers la vérité tout entière, le Christ, qui s’est voulu le chemin qui nous mène au Royaume de paix, de justice, de vérité.

 « Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit » (Actes 2,4).

Fêter la Pentecôte, c’est célébrer l’engendrement par l’Esprit Saint du peuple nouveau. A Babel, les hommes, se mentant à eux-mêmes, prétendaient acquérir une vérité factice en s’emparant du ciel. A la Pentecôte, Dieu lui-même leur donne de réaliser son dessein : « devenir comme Dieu ». Là où il y avait confusion, division, incompréhension, fait place l’harmonieuse conjugaison des diversités humaines. « Baptisés dans l’unique Esprit nous formons un seul corps » (1 Corinthiens 12,13). L’Eglise, issue de la Croix, animée par l’Esprit du Ressuscité, est le chemin pascal où les hommes peuvent accéder à l’unité vraie, celle de la communion dans l’amour du Père, du Fils et du l’Esprit Saint.


Dimanche 24 Mai- 7ème dimanche de Pâques [ Lectures : Ac 1, 15-17.20a.20c-26 ; Ps 102, ; 1Jn 4, 11-16 ; Jn 17, 11b-19 ]

DEMEURER DANS L’AMOUR (suite)

« Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui » (1 Jean 4,11-16).

Entre Ascension et Pentecôte, la méditation de l’Eglise se fait plus intime et s’appuie tout particulièrement sur la grande prière que le Christ fait monter vers son Père au seuil de sa Passion, au soir du Jeudi Saint. Saint Jean, qui nous donne cette prière en son Evangile, en vit profondément et la médite  à son tour dans sa première lettre. Etre UN est le projet divin pour les hommes qui sont créés à l’image et la ressemblance du Dieu UN, communion d’amour du Père, du Fils et de l’Esprit. Dieu est en vérité notre demeure. Il est le lieu où peut s’accomplir la véritable unité. L’unité des hommes entre eux ne peut se trouver que dans l’unité avec Dieu puisque Celui-ci est l’amour de communion. Cette unité qui nous fait image et ressemblance du Fils, suppose la sanctification que le Christ seul peut nous communiquer, ce que la Pentecôte accomplira par le don de l’Esprit.

« Je me consacre moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité » (Jean 17,19).

Le verbe « consacrer » qui revient de manière récurrente tout au long de la prière sacerdotale est l’équivalent de « sanctifier », c’est-à-dire rendre saint. Or la sainteté est le propre de Dieu. Toute la Révélation insiste longuement sur cette prérogative divine qui permet d’évacuer tout soupçon idolâtrique dans la compréhension du mystère divin. Dieu est le « Tout Autre », le « Séparé ». Mais alors, s’Il est l’unique, le seul saint, comment la création, l’homme, pourraient-ils avoir part à cette sainteté sans porter atteinte à l’Etre divin ? Déjà l’acte créateur, puis le don du Nom sont des premières réponses. Mais seule l’Incarnation permet à Dieu de réaliser son dessein de sanctification. En son humanité où resplendit la sainteté du Verbe, Jésus ouvre le chemin qui permet à l’homme d’accueillir la Parole de Vérité. En elle, l’homme se trouve rendu participant de la nature divine (2 Pierre 1,4). Par elle tout homme est sanctifié, consacré dans la vérité.

« Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde » (Jean 17,14).

Surgit cependant une difficulté. Si la création a été voulue bonne par son Auteur, il y a hélas depuis la chute mystérieuse de l’humanité, une part de ce monde qui n’est plus en partage de la sainteté divine. Elle est sous la domination de « prince de ce monde » (Jean 12,31) « lui qui n’est pas établi dans la vérité parce qu’il n’y a pas de vérité en lui » (Jean 8,44). Imperméable à l’Esprit, ce monde s’oppose à la présence de l’amour. Mais le Fils n’est pas venu « pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé » (Jean 3,17). Aussi le disciple, sanctifié par le Baptême de la Pâque du Christ, a-t-il désormais pour mission, non de fuir le monde, mais de s’y engager pour y porter la Parole de consécration, de vérité. La consécration, la sanctification sont désormais liées à une mission, à un envoi. C’est pourquoi le Christ prie sans cesse pour son Eglise afin que l’amour qui sanctifie soit toujours présent et soit la demeure de l’homme réconcilié.

« De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde » (Jean 17,18).


Jeudi 20 Mai  Solennité de l'Ascension du Seigneur -  [ Lectures : Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; Ep 4, 1-13 ; Mc 16, 15-20 ]


Dimanche 17 Mai  - 6ème dimanche de Pâques [ Lectures : Ac 10, 25-26.34-35.44-48 ; Ps 97 ; 1Jn 4, 7-10 ;Jn 15, 9-17)

DEMEURER DANS L’AMOUR

 « Demeurez dans mon Amour … » (Jean 15,10).

Poursuivant ce dimanche la lecture du chapitre quinze de l’Evangile de Jean nous ne pouvons ne pas être frappés par l’insistance du Christ sur le lien « commandement » et « amour ». Le Seigneur lie étroitement ces deux expressions qui nous paraissent antinomiques. Le commandement renvoie à un domaine constitué de « il faut » et à contrario d’interdits. C’est le monde de la loi qui contraint. Inversement, aimer renvoie à un illimité de l’expérience, à un univers de la liberté. Pas d’autre moyen pour surmonter ce qui nous paraît contradictoire que de nous tourner vers le Christ qui veut nous faire découvrir sa manière d’aimer. C’est dans sa Pâque que nous pouvons percevoir le fruit de l’amour inscrit dans notre humanité. Demeurer dans leur amour tel est le dessein du Père et du Fils pour que nous puissions recevoir le pardon des péchés et accéder à la vie éternelle.

« J’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son Amour » (Jean 15,10).

Entre le Christ et son Père, il est aussi question de commandement. Saint Jean l’explicite clairement : « le commandement de celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour » (Jean 6,39). En donnant sa vie le Christ fait passer en nous tout son Amour et celui de son Père. La Rédemption est la révélation plénière de la manière d’aimer du Christ. « Victime offerte pour nos péchés » (1 Jean 4,10), le Christ aime sans raison celui qui n’a aucune raison d’être aimé : l’homme pécheur. Dans l’acte même du don de la vie sur la Croix, le Christ est l’effigie resplendissante de l’Amour du Père. Il est dans le Père et le Père est en Lui.

« Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande » (Jean 15,14).

A notre tour, tendus vers Lui, quittant les terres stériles du désert de l’Amour, apprenant à aimer comme Lui, nous nous mettons en chemin pour devenir à notre tour cette image et cette ressemblance voulues par Dieu dans l’acte de Création.

Aux Actes des Apôtres, Corneille et ses compagnons nous montrent qu’en accueillant le don de l’amour communiqué par l’Esprit Saint nous donnons à Dieu la joie de nouveaux enfants à l’image du Fils unique en qui nous avons la vie.


Dimanche 10 Mai - 5ème dimanche de Pâques [ Lectures : Ac 9, 26-31 ; Ps 21 ; 1Jn 3, 18-24 ; Jn 15, 1-8 ]

LE FRUIT DE LA DEMEURE

« Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit » (Jean 15,5)

« JE SUIS ». Comme dans d’autres méditations de l’Evangile de Jean, le Christ se saisit du nom divin pour déclarer son appartenance divine. Toutefois, ce « JE SUIS » est décliné à travers un jeu d’images issues de la Création qui sont aussi la manière dont le Christ entend être relié à l’homme à travers son humanité. « Je suis le pain de vie » évoquait la nourriture qui, au-delà du pain quotidien, est celle qui donne la vie éternelle. « Je suis le vrai berger » renvoyait à la fonction pastorale culminant dans le don de la vie et la connaissance intime. Aujourd’hui «  Je suis la vraie vigne » est clairement la reprise du thème de l’Alliance de Dieu et de son peuple. Vraie vigne du Seigneur, le Christ énonce sa communauté d’être et de vie avec Israël. Plus encore, il fonde en Lui le nouvel Israël pour que de Lui le nouveau peuple de Dieu tire son existence. C’est de cette unité essentielle, image de celle qui lie le Père et le Fils, que le disciple tirera la puissance de porter le fruit que Dieu attend et qui manifeste sa gloire.

« Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples » (Jean 15,8).

Le disciple-sarment est appelé à produire le fruit de son union avec le Christ-cep. Cela ne peut s’accomplir que librement. Aussi faut-il corriger l’image de ce qu’elle pourrait comporter de déterminisme. Donner du fruit n’est pas autre chose que de laisser l’amour du Christ irriguer l’humanité à travers les gestes qui expriment concrètement dans les rapports humains le commandement nouveau : « Mes enfants, nous devons nous aimer : non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité » (1 Jean 3,18). La fécondité divine passe à travers la liberté humaine greffée sur le Christ. « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15,5). A plusieurs reprises, le Christ insiste sur cette source de vie qu’Il est et sans laquelle nous ne saurions être et agir. Aussi en portant le fruit de l’amour que le Christ nous donne, le Règne de Dieu est-il proche.

« L’Eglise se multipliait avec l’assistance de l’Esprit Saint » (Actes 9,31).

Les Apôtres, puis l’Eglise naissante, ont fait l’expérience transformante de la puissance d’amour et de vie qui émane de la Parole faite chair, du Verbe venu demeurer parmi nous. Le monde d’hier n’était pas moins hostile et plus enclin à faire droit à la nouveauté radicale de la prédication apostolique que celui que nous connaissons. A notre tour laissons-nous enter sur le cep pour être aujourd’hui le point d’appui que le Ressuscité attend pour  qu’advienne son Règne de Justice et de Paix.

Faisons nôtre le chant du Psalmiste :

« On proclamera sa justice au peuple qui va naître : voilà son oeuvre ! » (Psaume 21,32).


Dimanche 3 Mai  - 4ème dimanche de Pâques [ Lectures : Ac 4, 8-12 : Ps 117; 1Jn 3, 1-2 ; 1Jn 3, 1-2 ]

UN SEUL PASTEUR POUR UN SEUL TROUPEAU

 « Je donne ma vie pour mes brebis » (Jean 10,15).

Ce quatrième dimanche du Temps Pascal est traditionnellement dédié aux vocations sacerdotales. Tout conduit en effet dans la liturgie de ce jour à nous tourner vers le Maître de la Moisson pour qu’Il envoie des ouvriers à sa moisson.

C’est l’image biblique du berger qui domine tant il est vrai que la révélation a établi un lien étroit entre la fonction pastorale, héritée du monde nomade, et l’action de Dieu qui cherche inlassablement à rassembler en un seul peuple l’humanité créée à son image et à sa ressemblance mais dispersée par le péché.

Depuis les patriarches-bergers, en passant par le Roi-Messie, berger de son peuple, Dieu ne cesse de montrer qu’Il est le vrai, l’unique Berger. S’il a choisi des hommes pour accomplir la mission de rassembler et de paître le troupeau, ceux-ci seront trop souvent des « mercenaires » pour qui « les brebis ne comptent pas vraiment » (Jean 10,13).

Aussi le Fils vient-il au Nom du Père, ressaisir la fonction pastorale, afin de conduire à l’unité de la communion le troupeau dispersé. C’est par la connaissance aimante exercée par Jésus à l’endroit du troupeau tout entier qu’il unifie tout en suscitant chaque brebis à la vie par le nom qu’il lui confère dans l’acte pascal du don de la vie.

 « Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jean 3,1).

« Enfants de Dieu », tel est le beau nom que nous recevons du Père en son Fils unique. Poursuivant sa méditation à partir du discours de Jésus, liant notre être à la connaissance qu’Il a de chacun de nous, l’apôtre montre que l’achèvement de notre condition d’enfant de Dieu se trouve dans le don qui nous sera fait de « voir le Fils de Dieu tel qu’Il est » (1 Jean 3,2).

Le processus de décréation lié au péché de défiance à l’égard de Celui qui, vrai berger, veut nous conduire sur le chemin du Bonheur, a pour effet de nous interdire l’accès à la vie bienheureuse.

En suscitant dans l’humanité l’homme libre et aimant qui, loin de se vouloir « comme Dieu » sans Dieu, révèle le visage de l’unique engendré du Père, celui-ci nous donne de pouvoir contempler la véritable image et surtout la ressemblance qui nous rend « comme Dieu » avec Dieu.

 « Lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’Il est » (1 Jean 3,2).

« Tel qu’Il est » ! La formule johannique indique avec force qu’il s’agit du nom même de Dieu. C’est ce nom, donné aux hommes, qui sauve  (Actes 4,12). Ainsi en Jésus, vrai berger, autre qualificatif de Dieu – nous découvrons Celui qui est la source de l’Etre et de la vie. Par la Résurrection, le Christ inscrit à jamais au cœur de l’histoire humaine le salut qui permet à l’homme d’accéder librement à la vie que Dieu lui destine. « Au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève toi et marche » (Actes 3,6).

C’est désormais à l’Eglise qu’est confiée la route pascale pour qu’au Nom de Jésus tout homme soit semblable à lui, le sauveur du monde.


Dimanche 26 Avril - 3ème Dimanche de Pâques [ Lectures : Ac 3, 13-15.17-19 ; Ps 4 ; 1Jn 2, 1-5a ; Lc 24, 35-48 ]

SELON LES ECRITURES

« Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes » (Luc 24,44).

Dans son avant-propos au tome 1 de son « Jésus de Nazareth » le Cardinal Ratzinger, devenu Benoît XVI, insiste avec force sur le principe d’unité de l’Ecriture. Dans la droite ligne de la constitution DEI VERBUM du Concile Vatican II, le saint Père montre comment « les différentes Ecritures renvoient d’une manière ou d’une autre au processus vivant de l’Ecriture unique qui est à l’œuvre en elles ». C’est le Christ, clé de l’ensemble, qui permet de comprendre la Bible comme une unité. Cela postule un acte de foi.

Voilà pourquoi l’Ecriture : loi, Prophète, Psaumes, demeure la voie privilégiée par laquelle nous pouvons reconnaître que l’homme dépasse l’homme, que l’histoire dépasse la simple factualité des événements étudiés par les sciences humaines. En réalisant son histoire, Israël découvre son originalité foncière, celle de vivre déjà l’aventure pascale pour le compte de l’humanité entière. Mais ce que le peuple de la première Alliance vivait partiellement, et comme à répétition, a trouvé son achèvement dans Celui qui est venu vivre, au cœur de ce peuple, l’universalité du Salut dans la singularité de son humanité.

Le « Il fallait » de l’Ecriture, loin d’être un déterminisme, exprime la suprême liberté de Dieu acceptant de se perdre dans les enfers humains pour que la vie divine puisse l’emporter sans que rien de la liberté humaine ne soit contraint en quoi que ce soit.

« Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair, ni d’os, et vous constatez que j’en ai » (Luc 24,39).

Avec une insistance soutenue, le Ressuscité invite ses disciples à reconnaître sa présence nouvelle à travers une corporéité déconcertante mais pourtant bien réelle. La Résurrection ne saurait se résumer en la réanimation d’un cadavre ! Elle ouvre un monde nouveau où l’univers créé se trouve ressaisi de manière inédite.

Comment pouvoir contempler dans notre univers toujours borné par la souffrance et la mort ce qui se donne à voire de la nouvelle création ?

Le Verbe de Dieu, fait chair, ayant traversé la mort de l’homme, inscrit à jamais dans la texture même de notre corporéité la Parole qui fait vivre. Rien de notre humanité, une fois la purification du péché accomplie par le pardon du Crucifié-Ressuscité, n’est rejeté. Notre Corps est appelé à la gloire  et à chanter la louange du Dieu de vie et d’amour.

« Dieu accomplissait ainsi sa Parole. C’est vous qui en êtes les témoins. » (Actes 3,18 et Luc 24,48)

Cette puissance de vie et d’amour qui anime le Corps du Ressuscité, la force du pardon qui émane de lui, sont désormais à l’œuvre à travers le Corps mystique ecclésial. Par le pardon abondamment donné, par la conversion des esprits et des cœurs, par l’accueil et la fidélité à la Parole de Vie, Dieu nous donne de vivre déjà l’anticipation du monde nouveau où « l’Amour de Dieu atteint vraiment la perfection » (1 Jean 2,5).


Dimanche 19 Avril  - 2ème Dimanche de Pâques [ Lectures : Ac 4, 32-35 ; Ps 117 ; 1Jn 5, 1-6 ; Jn 20, 19-31 ]

LA VICTOIRE PAR LA FOI

« Ce qui nous a fait vaincre le monde, c’est notre foi » (1 Jean 5,4).

Les quelques versets de la 1ère lettre de Jean lus en ce Dimanche de la divine miséricorde, appelé aussi dimanche de « Quasimodo », portent sans conteste la marque de l’Apôtre, témoin privilégié de bien des moments décisifs de la vie de son Seigneur. Force de la foi, commandement de l’amour, naissance nouvelle, tous ces thèmes ne cessent d’irriguer les écrits johanniques. Sans doute sommes-nous sensibles à la différence de tonalité avec le passage des Actes des Apôtres. C’est que cette lettre s’adresse à des communautés marquées à la fin du premier siècle par l’épreuve de la persécution.

Le monde évoqué par l’Apôtre n’est autre que celui des ténèbres qui viennent s’opposer à la lumière. Rejoignant les exhortations pauliniennes bien connues à travers le monde chrétien naissant, Jean rappelle que seule la Foi au Christ, Fils de Dieu, peut nous faire traverser les épreuves les plus douloureuses.

A l’enthousiasme de Luc aux Actes des Apôtres, succèdent ici une gravité, une profondeur qui siéent magnifiquement à ces temps difficiles. La Résurrection du Christ ne peut conduire à un repliement sur soi, mais à affronter le grand combat libérateur par l’Amour et l’Esprit. C’est au souffle de l’Esprit de vérité qu’il faut se livrer pour que « par votre foi, vous ayez la vie en son Nom » (Jean 20,31).

« Il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » (Jean 20,22).

L’expérience de la Résurrection est d’abord arrachement à la peur. Celui qui est passé par le tombeau vient libérer l’homme des innombrables tombeaux dans lesquels il s’ensevelit. « La Paix soit avec vous » est la première parole du Ressuscité. Son premier geste est celui du Créateur qui, aux origines mystérieuses de la vie, vient insuffler son « haleine de vie » (Genèse 2,7) à sa créature encore inanimée et pétrie de glaise. C’est l’Esprit de libération, celui qui va désormais habiter les Apôtres pour les conduire « avec une grande force pour porter témoignage de la Résurrection du Seigneur Jésus » (Actes 4,33), que le Christ déploie pour que s’ouvre la mission qui doit atteindre les extrémités du monde.

« Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jean 20,29).

Naître à la foi ne va pas sans un combat spirituel, combat entre la lumière de la vérité et les ténèbres de la défiance et du mensonge. Thomas en fait l’expérience. Dans la lignée d’Israël refusant d’entendre la voix des prophètes, dans celle des scribes et des pharisiens qui exigeaient un signe, Thomas ferme les portes de son cœur et de son intelligence plus sûrement que celles du lieu où le Christ se fait présent.

Aussi faut-il tout l’amour de son Seigneur pour qu’à travers le langage des plaies, le « Jumeau » désarme et que, dans l’Adoration de son Seigneur et Dieu, il puisse naître à Dieu et s’ouvre à la Foi qui « vainc le monde ».

Notre foi, peut être encore obscure, mais vivifiée par l’eau et le sang, sacrements de la vie nouvelle, et surtout animée par l’Esprit du Ressuscité nous donnera « d’avoir la vie en son Nom »


Dimanche 12 Avril  Saint jour de Pâques [ Lectures : Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117; Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9 ]

L’IMPOSSIBLE ACCOMPLI

« Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jean 20,9).

Etonnant « il fallait » ! Cela signifierait-il que le Christ était soumis à une nécessité portant ainsi atteinte à sa liberté et, par contrecoup, à la nôtre ?

Imaginons un instant que le Christ ne soit pas ressuscité. Quelles conséquences en résulterait-il pour nous ? L’Apôtre Paul répond : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans objet… vous n’êtes pas libérés de vos péchés, et puis ceux qui sont morts dans le Christ sont perdus » (1 Corinthiens 15,17 et ss). Si le Christ n’est pas ressuscité, toute la Bible n’est que fable et nous sommes des morts en sursis, selon l’expression de Jean-Paul Sartre.

Mais en Dieu, liberté et nécessité ne s’opposent pas. Par la Résurrection de Jésus, le Père dit clairement qu’IL EST. Autrement dit, la Résurrection est l’attestation de ce que Dieu EST : amour, vie. Elle est comme sa signature, non seulement au terme de la vie du Christ, mais aussi au terme de l’histoire des hommes. Saint Paul l’exprime avec force : « Quand paraîtra le Christ votre vie, alors vous aussi vous paraîtrez avec lui en plein gloire » (Colossiens3,4)

« Ressuscité d’entre les morts le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir » (Romains 6,9).

La Résurrection du Christ n’est pas un acte isolé sans lien avec l’ensemble de l’œuvre divine. Ceci a également été fortement exprimé par l’apôtre Paul répondant  à ses objecteurs « Comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Mais s’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ, lui non plus, n’est pas ressuscité » (1 Corinthiens 15,13). Ce qui advient au Christ est l’accomplissement de ce qui était en genèse depuis le commencement. La Résurrection du Christ en est même le principe, « l’arche ».

Pâques est la mise en visibilité du travail invisible de l’amour. En Jésus, dans son corps de Verbe fait chair, la Parole invincible traverse tout ce qui lui était contraire et conduit toute chose à sa perfection. « Le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds » (I Corinthiens 15,26-27).

« Pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Romains 6,11).

La Résurrection du Christ nous dit aussi que Dieu ne se contente pas d’endosser la détresse humaine. Le Golgotha, la Croix, ne sont pas les derniers mots de Dieu. Le tombeau ouvert, les annonces angéliques, sont là pour signifier le côté lumineux de notre condition humaine. Notre espérance d’une vie nouvelle, indestructible est déjà comblée en Dieu lui-même. « Morts avec le Christ, notre vie reste cachée avec lui en Dieu » (Colossiens 3,3)

En vérité ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, Alléluia !


Dimanche 5 Avril : Dimanche des Rameaux et de la Passion  [ Lectures : Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1-72; 15, 1-47]

ENTRÉE  ROYALE

« Béni le Règne qui vient, celui de notre Père David » (Marc 11,10).

Tout au long des trois années de sa vie publique, Jésus n’a cessé de proclamer la venue du Règne de Dieu. « Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche » (Marc 1,15), entendions-nous au début de la reprise du cycle liturgique du temps ordinaire. Cet accomplissement, Jésus le met en scène au seuil de la Semaine Sainte. Montant sur la monture royale, celle du Roi-Messie : l’âne (Zacharie 9,9-10), il indique clairement quelle royauté Il inaugure. Non pas celle d’un Messie triomphant, guerrier, mais celle à la manière de Melkisédek, Roi de Justice, de Paix, qui vient redonner à l’homme, humilié par le péché, la dignité des enfants de Dieu destinés à la gloire de l’Amour.

 « Il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix ». (Philippiens 2,8).

C’est dans la parodie de procès, dans l’assassinat légal, dans la mort de l’esclave, que Jésus vient dévoiler sa Royauté. Puisque le Créateur a fait l’homme à son image et à sa ressemblance, le Verbe fait chair vient maintenant se faire à l’image de l’homme pécheur, anéanti par le malheur. « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats » (Isaïe 50,6). La force destructrice du péché est assumée par le Fils de Dieu. Ainsi se soumet-il à la liberté déviante des pécheurs pour que l’amour absolu vécu leur redonne d’être l’image et la ressemblance divines de leur vocation originelle. Aimer jusqu’au bout, telle est la vérité de la royauté du Christ.

 « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! » (Marc 15,39).

Point culminant de la folie des hommes, révélation aveuglante de leurs péchés, la Croix, dans le silence du Père abîme de compassion, dans le signe du Fils exténué dans la mort, dans le silence de l’Esprit remis à la frontière de la mort par le Crucifié, parle un langage audible seulement de celui qui fait silence en lui-même.

C’est un païen au pied de cette croix à qui il est donné de l’entendre et de l’exprimer. C’est aussi un juif persécuteur qui, plus tard, l’exprimera magnifiquement : « Dieu l’a élevé au-dessus de tout, il lui a donné le Nom qui surpasse tous les noms afin qu’au Nom de Jésus… tout être vivant… proclame « Jésus-Christ est le Seigneur » pour la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2,9-11).


Dimanche 30 Mars    5ème dimanche de Carême [ Lectures : Jr 31, 31-34 ; Ps 50 ; He 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33 ]

L’EXALTATION POUR LE SALUT DES HOMMES

« Quand j’aurai été élevé de terre,  j’attirerai à moi tous les hommes » (Jean 12,3).

Au seuil de la quatrième étape du Carême nous entendions Jésus évoquer sa future élévation en Croix en faisant allusion au serpent d’airain dressé par Moïse au désert en signe de salut. Au seuil de la cinquième semaine nous retrouvons avec plus d’insistance encore ce thème de la prochaine élévation de terre. L’Evangéliste en donne le sens : « Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir » (id.v.33).

L’heure de la Passion approche mais aussi celle de la Résurrection, c’est-à-dire l’heure de la glorification. Dieu vient y manifester de manière ultime et décisive l’amour qui l’anime. Le Christ vit de cet amour en pleine vérité et liberté. Etre le fils ne lui épargne pas le passage de la mort : « Bien qu’il soit le Fils il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion … il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel » (Hébreux 5,8-9).

« Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt il donne beaucoup de fruits » (Jean 12,24).

Avec la parabole du grain de blé jeté en terre, Jésus énonce en quelque sorte la loi pascale. C’est une loi de germination. Le grain de blé est enfermé dans une coque qui, si elle n’éclate pas, entraîne la véritable mort, celle de la stérilité, de la solitude. Il faut que le grain cesse d’être le grain, qu’il se dissolve pour que de cette disparition apparente la vie puisse surgir et que la fructification s’étende aux dimensions de l’univers.

L’auteur de la Lettre aux Hébreux parle de manière déconcertante du Fils qui « parce qu’il s’est soumis en tout, a été exaucé » (Hébreux 5,7). Cette soumission, cette obéissance à la Parole du Père, le Christ n’a jamais cessé de la vivre pour être conduit à sa perfection pour qu’elle devienne celle de l’humanité pécheresse qu’il a accepté d’assumer. Bien entendu il ne s’agit pas de la perfection personnelle de sa propre humanité qu’il a dès son Incarnation. Il s’agit de notre humanité que le Christ assume pour la purifier dans le creuset de la Passion et de la Mort. C’est ainsi que s’inscrit en nous la loi de Pâque seule capable de nous conduire au salut.

« Je mettrai ma loi au plus profond d’eux-mêmes : je l’inscrirai dans leur cœur » (Jérémie 31,33).

Le prophète de la tourmente qui s’abattit sur le peuple nous fait mesurer à quel point Dieu est fidèle à son dessein. Il nous montre comment la première Alliance était déjà porteuse de la Nouvelle et trouve son accomplissement dans le Christ. Il met en lumière l’intériorité de l’Alliance qui ne repose plus sur l’observation extérieure de la Loi mais sur le pardon qui, venu de Dieu, est capable de régénérer le cœur de l’homme. C’est ce cœur à cœur de l’homme avec Dieu que le Christ est venu vivre. C’est sa loi d’amour qu’il a inscrite en nous pour toujours par sa passion et sa mort. Il nous engendre ainsi à notre humanité nouvelle, devenue parfaite de la perfection même qui est la sienne.

En lui obéissant, en nous soumettant à sa Loi, il devient pour nous « la cause du salut éternel » (Hébreux 5,9).


Dimanche 22 Mars  4ème dimanche de Carême [ Lectures : 2Ch 36, 14-16.19-23 ; Ps 136 ; Ep 2, 4-10 : Jn 3, 14-21 ]

LA JOIE D’ETRE SAUVÉ

« C’est bien par grâce que vous êtes sauvés » (Ephésiens 2,5).

La quatrième étape du Carême qu’ouvre ce dimanche dit de « LAETARE », dénomination tirée de l’antienne d’ouverture « Réjouis-toi Jérusalem, exultez à cause d’elle, vous tous qui l’aimez », est empreinte de la joie du Salut que Dieu est venu offrir à l’humanité en détresse. L’enjeu de nos existences est comme synthétisé par les lectures lues en ce jour. Ou bien nous demeurons soumis aux pulsions meurtrières, à la volonté de puissance et l’issue ne peut être que la mort, ou bien nous accueillons le don de Dieu et choisissons « la vie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre » (Ephésiens 2,10) et nous obtiendrons la vie éternelle (Jean 3,16). Saint Paul et saint Jean convergent ici harmonieusement. Ils nous rappellent que le salut vient de la Foi en « Dieu, riche en miséricorde » (Ephésiens 2,4). On se souvient de la belle encyclique du pape Jean-Paul II qui avait médité cette caractéristique fondamentale de notre foi.

De tous temps les hommes aspirent à une vie qui ne sera plus sous la menace de la mort. Mais ils ne peuvent l’acquérir qu’en s’offrant à Celui qui est la source de la vie et qui veut établir son règne de justice, de paix et d’amour.

            - Le livre des Chroniques avec l’évocation du retour d’Exil et la restauration de Jérusalem.

            -  la méditation de Paul sur la richesse infinie de la grâce de Dieu qui nous offre par la Résurrection de son Fils de « régner aux cieux dans le Christ Jésus » (Ephésiens 2,6).

-    l’Evangile de Jean qui nous invite à « agir selon la vérité pour venir à la lumière » (v21)

sont autant de précieuses incitations  à découvrir que se réalisent  dans le Christ  le retour de nos exils, la fin de nos esclavages, l’issue de la mort.

 « Ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle » (Jean 3,14-15).

Evoquant l’étonnant récit du livre des Nombres (21,4-9) repris au livre de la Sagesse (16,6-10), le Christ annonce, au terme de son entretien avec Nicodème, le salut par la Croix. Le serpent d’airain dressé au désert par Moïse était une préfiguration du Salut. Renvoyant aux Hébreux-rebelles l’image de leur faute, Dieu leur donnait ainsi de se mettre en situation d’accueil du Pardon qui fait vivre. Désormais c’est vers le Christ en Croix que nos regards doivent se tourner, manifestant ainsi d’accepter de regarder les conséquences dramatiques du péché mais surtout d’accueillir le pardon offert par le Père sans réserve.

 « A cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ » (Ephésiens 2,4-5).

La Croix est le trône de gloire du Christ et le lieu du jugement. Celui-ci est le fait de l’homme qui doit se prononcer librement entre la vérité et le mensonge. La passion du Christ, acceptée et assumée par Dieu, est la manifestation des effets mortels du péché de l’homme fourvoyé dans le mensonge générateur de mort. Aussi la gloire de Dieu, c’est-à-dire la manifestation de son Amour, sourd-elle du corps transfixé, du cœur transpercé et vient illuminer la nuit du péché. Accueillir cette lumière est l’acte de Foi que Dieu attend par lequel nos actes deviendront « vraiment bons » (Ephésiens 2,10). Mieux encore ils sont reconnus « comme des œuvres de Dieu » (Jean 3,21).


Dimanche 15 Mars  3ème dimanche de Carême [ Lectures : Ex 20, 1-17 ; Ps 18 ; 1Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25 ]

LES SIGNES DU MESSIE

 « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples païens »
( 1 Corinthiens 1,23).

Ce troisième dimanche de Carême, qui ouvre aussi l’ultime étape des catéchumènes en marche vers le baptême pascal, nous invite à mieux vivre notre engagement chrétien en réponse à l’engagement de Dieu pour nous. Les Juifs réclamaient les signes du Messie, les Grecs recherchaient une sagesse, nous dit saint Paul. Ces signes, cette sagesse, nous les découvrons dans la « folie de Dieu qui est plus sage que l’homme » (id.v 25).

Il s’agit du mystère pascal que nous allons célébrer au terme de notre Carême. Ce combat du Christ mené au nom du Père dans l’Esprit nous a déjà été signifié par l’apôtre Pierre dans le rappel de l’Alliance avec Noé comme image du baptême où le Christ, plongeant dans les eaux de la mort, « est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort » (1 Pierre 3,19-20). Ce combat, Paul l’a évoqué dans le rappel de l’Alliance abrahamique à travers Isaac, figure du Christ : « Il n’a pas refusé son propre fils, il l’a livré pour nous tous, comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ? » (Romains 8,32). Aujourd’hui, rejoignant saint Jean, l’apôtre Paul nous donne à nouveau l’unique signe : la Croix où s’exprime « la faiblesse de Dieu plus forte que l’homme » (id v.25)

 « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai » (Jean 2,19)

Ce « détruisez » met fin, non seulement à l’orgueilleuse demeure de pierre bâtie de mains d’hommes, mais surtout au Temple de chair qui, dans l’ultime sabbat du Fils, s’exténue en un tombeau scellé, « scandale pour les juifs, folie pour les peuples païens ». La croix dressée par les hommes entre la terre et le ciel vient dire la folie d’amour de Dieu qui est sagesse suprême. Dépossédé deux fois : et du Temple de pierre où règnent le lucre et la confiscation du culte, et du Temple de chair par la mort de son Fils, Dieu redonne le signe de sa présence aimante. Il relève le corps pascal du Fils dans le temps nouveau de la Résurrection. L’aujourd’hui de Dieu est ce huitième jour où Il se donne en nourriture. Chacune de nos Eucharisties est inscription en notre chair, en notre temps de l’éternité de la vie bienheureuse dont Noé, Abraham, Moïse avaient connu les prémices.

 « Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré … c’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du  Sabbat et l’a consacré » (Exode 20,8-11).

Au cœur de la loi de la première alliance, le commandement du sabbat est comme le sommet de l’activité de Dieu et de l’homme. Il exprime le regard d’amour de Dieu sur sa création. Il est aussi le temps de l’amour porté au créateur par la louange et la prière.

Aujourd’hui le grand sabbat pascal s’est ouvert sur la nouvelle création par la Résurrection. Les Chrétiens doivent en témoigner et en vivre. En ces temps où la folie matérialiste a gagné l’humanité, plaçant l’idole argent au cœur des projets de société, puissions nous témoigner que l’homme n’a pas pour vocation d’être esclave de l’économie, mais qu’il est fait pour vivre de la communion avec Dieu et ses frères. En vérité « la folie de Dieu est plus sage que l’homme et la faiblesse de Dieu plus forte que l’homme » (1 Corinthiens 1,25).


Dimanche 8 mars    2ème dimanche de Carême [ Lectures :Gn 22, 1-2.9a.10-13.15-18 ; Ps 115 ;Rm 8, 31-34 ; Mc 9, 2-10 ]

DIEU POUR NOUS

 « Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous » ? (Romains 8,31).

Face aux persécutions, à l’hostilité croissante du monde, les Chrétiens auraient eu mille et une raisons de se décourager  et d’abandonner ce Dieu qui semble impuissant face au malheur : « L’Ecriture dit en effet : c’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, on nous prend pour des moutons d’abattoir » (Romains 8,36). L’Apôtre Paul, bien placé pour avoir connu « détresse, angoisse, persécution, faim, dénuement, danger, supplices » (id.v.35) affirme cependant avec force que « rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur » (id v.39). C’est que « Dieu est pour nous ».

Cette foi de l’Apôtre s’appuie non seulement sur son expérience personnelle dont il rend compte à travers ses lettres, mais aussi sur le terreau fécond de la Révélation. En des circonstances ô combien déroutantes, parfois à la limite du supportable, Dieu ne cesse de montrer qu’Il accompagne notre humanité dans la ténèbre pour y faire briller sa lumière.

 « Il n’a pas refusé son propre fils, il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ? » (Romains 8,32)

La première communauté chrétienne a profondément médité les vieux récits bibliques. Il y a huit jours, saint Pierre évoquait le déluge comme « une image du baptême qui sauve maintenant » (I Pierre 3,21). Aujourd’hui saint Paul laisse percevoir la figure d’Abraham dans le rappel du don que Dieu nous fait de son Fils. L’auteur de la lettre aux Hébreux n’hésite pas, quant à lui, à écrire : « Il (Abraham) pensait en effet que Dieu peut aller jusqu’à ressusciter les morts : c’est pourquoi son fils lui fut rendu, et c’était prophétique » (Hébreux 11,19).

Dès lors Abraham est la figure du Père qui ne refuse pas son Fils à l’humanité qui veut le mettre à mort. Isaac devient la figure du Christ. Mais une figure n’est qu’un symbole. La réalité est celle de la Passion et de la Mort. Dieu est bien pour nous puisqu’il éprouve en Jésus notre ultime détresse. Mieux encore, il nous en retire par la Résurrection du Fils. Saint Paul a bien compris comment, en ce Fils qu’Il aime, Dieu ne pourrait pas ne pas nous donner tout.

 « Celui-ci est mon Fils bien aimé – Ecoutez-le » (Marc 9,7).

L’engagement de Dieu que nous méditions la semaine dernière prend aujourd’hui toute sa portée. Certes Dieu éprouve l’homme, mais cette mise à l’épreuve est celle de l’amour. Par sa fidélité, Abraham s’est vu rendre son fils par Dieu. Mais nous, pourrions-nous rendre à Dieu son Fils que notre péché a condamné à la mort ? C’est le Christ qui nous rend à son Père comme fils bien aimés par la victoire de l’Amour. La Transfiguration en est l’annonce faite aux trois apôtres qui vivront l’heure de l’agonie à  Gethsémani.

 De même qu’Abraham a su écouter le commandement de Dieu, sachons nous aussi écouter le Fils unique comme nous y invite la voix du Père. En Lui, Il nous donne « tout ». Ce tout s’appelle « ressusciter d’entre les morts » (Marc 9,10).


Dimanche 1er Mars  1er dimanche de Carême [ Lectures : Gn 9, 8-15 ; Ps 24 ; 1P 3, 18-22 ; Mc 1, 12-15 ]

LE TEMPS DE L’ENGAGEMENT

« Les temps sont accomplis : le Règne de Dieu est tout proche » (Marc 1,15)

Avec sa concision habituelle l’Evangéliste Marc ouvre le temps de l’engagement de Jésus dans son œuvre rédemptrice par cette proclamation lapidaire. Si le Carême est aussi pour nous le temps de « l’engagement envers Dieu avec une conscience droite et participer ainsi à la résurrection de Jésus-Christ » (1 Pierre 3,21), alors les propos du Seigneur peuvent nous éclairer sur la conduite de notre marche, tout au long de cette quarantaine en vue d’accueillir ce règne qui est proche.

Au chapitre 3 de « Jésus de Nazareth », le pape Benoît XVI livre un beau commentaire sur le thème du Royaume de Dieu. Il l’ouvre précisément par cette phrase de l’Evangile de Marc. Dire que « les temps sont accomplis » c’est reconnaître que Dieu s’est engagé d’une manière totalement nouvelle dans l’histoire. Par sa présence et son action il apparaît « comme celui qui agit ». Dire que « le Règne de Dieu reste tout proche »,  c’est reconnaître que c’est dans le Christ qu’il se trouve au milieu de nous. Il n’est pas là seulement par sa simple présence physique, mais à travers son action dans l’Esprit Saint. Cet engagement, conclut le Saint-Père, « mène à la Croix et à la Résurrection » (Jésus de Nazareth, p.84).

« … lui le juste il est mort pour les coupables afin de nous introduire devant Dieu » (1 Pierre 3,18).

Saint Marc mentionne très brièvement les Tentations les mettant en rapport avec l’annonce du Règne de Dieu. C’est que le combat du Christ contre Satan, qui est aussi notre combat, n’a pas d’autre issue que la victoire soulignée par l’évocation d’un monde transformé où, tel l’Adam d’avant la chute, le Christ vit « au milieu des bêtes sauvages » (Marc 1,13). et où le service angélique annonce la réconciliation du ciel et de la terre.

Mais nous ne devons jamais oublier que c’est à Gethsémani et sur la Croix que la victoire est définitivement acquise. C’est dans cette épreuve que le Christ, ayant traversé les eaux de la mort, réalise « l’alliance avec tous les êtres vivants » (Genèse 9,16) dont Noé était une lointaine figure.

 « C’était une image du Baptême qui vous sauve maintenant » (1 Pierre 3,21)

Reprenant le thème de l’alliance noachique, saint Pierre souligne la dimension prophétique du Déluge. Comme Noé traversant dans l’Arche les eaux déchaînées par le péché des hommes, le Christ, venu au Jourdain recevoir le Baptême de Jean, annonce sa plongée dans les eaux de la mort pour que tout homme, tels les noyés du Déluge qui n’avaient pu prendre place dans l’arche, puisse être rendu à la vie.

« C’est ainsi qu’il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la Mort (1 Pierre 3, 19-20).

Puisse ce Carême, vécu sous la mouvance de l’Esprit reçu au baptême, nous faire expérimenter que Dieu est toujours Celui qui libère et réconcilie.

Comme saint Pierre nous y invite : « engageons-nous avec lui avec une conscience droite »


Dimanche 22 février  7ème dimamnche du temps ordinaire [ Lectures : Is 43, 18-19.21-22.24c-25 ;Ps 40 ; 2Co 1, 18-22 ;
                                                                                       Mc 2, 1-12 }

LE PARDON OU LE OUI DE DIEU A L’HOMME

« Toutes les promesses de Dieu ont trouvé leur « oui » dans sa personne » (2 Corinthiens 1,20).

Dans les quelques versets de la deuxième lettre de l’Apôtre Paul aux Corinthiens lus ce dimanche, nous pouvons mesurer l’enjeu du combat que Dieu est venu mener en notre faveur pour nous arracher au monde du péché.

Reconnaissons humblement que nous sommes des êtres partagés. Divisés en nous-mêmes par le péché nous sommes à la fois « oui » et « non » à l’Alliance que Dieu nous propose. Il en est ainsi depuis les origines et, malgré la venue du Christ, nous ne dérogeons pas à cette attitude qui était celle de l’Adam primordial.

Le Prophète de la première Alliance l’exprime avec force. Par lui, Dieu s’adresse à son peuple : « Par tes péchés tu m’as traité comme un esclave, par tes fautes tu m’as fatigué. Mais moi, oui, moi je pardonne tes révoltes à cause de moi-même, et je ne veux plus me souvenir de tes péchés » (Isaïe 43,24-25).

Dieu veut nous dire oui malgré nos refus. Le Christ est venu dire ce oui au Père puisque nous en sommes incapables. Il nous donne ainsi la puissance de nous joindre à ce oui. En effet par lui Dieu « a mis sa marque sur nous et il nous a fait une première avance sur ses dons : l’Esprit qui habite nos cœurs » (2 Corinthiens 1,22).

« Mon fils, tes péchés sont pardonnés » (Marc 2,5)

Dans l’étonnante scène évangélique, bien connue des pèlerins de Terre Sainte qui l’ont évoquée à l’endroit même où elle s’est produite – la fameuse Maison de Pierre redécouverte à Capharnaüm -, seul le Christ parle. Il y a bien une forme de dialogue, mais tout est intériorisé.

L’homme est paralysé et ne peut s’exprimer. Les porteurs agissent sans parole. les opposants n’osent porter la contestation et la refoulent « en eux-mêmes ». Seul le Christ s’adresse aux uns et aux autres de manière souveraine. Déjà le qualificatif « mon fils » donne toute la profondeur de l’attitude de Jésus. En lui c’est bien la Parole du Père qui retentit : « tes péchés sont pardonnés » (id.v5).

Ainsi Jésus ne fait que déclarer  le oui de Dieu à l’homme pécheur. En lui le Fils de l’homme, la source de la miséricorde s’entrouvre en réalisant la prophétie d’Isaïe rappelée plus haut.

Le Christ est le oui de Dieu sans réserve qui se révèle en plénitude sur la Croix. Là, traité comme l’esclave, épuisé par les fautes des hommes, il s’abîme dans les liens de la mort pour nous libérer à jamais de la paralysie.

« Voilà que je fais un monde nouveau : il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? » (Isaïe 43,19).

Ce monde nouveau est, bien sûr, celui de la Résurrection. « Pour que vous sachiez que le Fils de l’Homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur terre, je te l’ordonne lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi » (Marc 2,10-11). Ce oui du Christ au Père pour que celui-ci nous confirme le sien est désormais confié à l’Eglise. Le sacrement de Réconciliation est le lieu où nous pouvons entendre ce oui de Dieu, et le lui dire en retour. A la veille de l’entrée en Carême prenons la résolution d’entendre la parole de délivrance et d’amour : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés ».


Dimanche 15  Février   6ème dimamnche du temps ordinaire [ Lectures : Lv 13, 1-2.45-46 ; Ps 101 ; 1Co 10, 31-33; 11, 1 ;
                                                                                          Mc 1, 40-45 ]

LE CHRIST, NOTRE MODELE

« Prenez-moi pour modèle, mon modèle à moi c’est le Christ » (1 Corinthiens 11,1).

Propos pour le moins audacieux, peut être même à la limite de l’acceptable pour un auditeur peu averti de la rhétorique paulinienne ! A plusieurs reprises, l’Apôtre insiste sur ce thème de l’imitation dans sa lettre aux Corinthiens. Ainsi au chapitre 4 « C’est moi qui, par l’Evangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ. Je vous exhorte donc : soyez mes imitateurs » (vv 15-16). Sans cesse l’Apôtre rappelle que le Christ et son Evangile sont toute sa vie : « Je vous ai envoyé Timothée, mon enfant chéri et fidèle dans le Seigneur ; il vous rappellera mes principes de vie en Christ, tels que je les enseigne partout, dans toutes les églises » (id.v17).

Au fond, l’Apôtre développe le grand thème spirituel de la « suite du Christ », de son « imitation » qui ne cessera d’être proposé par l’Eglise à ses enfants. Il nous faut rejoindre le Christ là où il veut nous accueillir : la table des pécheurs. Nous laissant conformer par lui nous devenons son image et sa ressemblance. Mais, comme Paul, il nous faut prendre conscience que c’est le Christ seul qui accomplit la transformation, en prenant sur lui la lèpre de notre péché.

« Tant qu’il gardera cette plaie, il sera impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, sa demeure sera hors du camp » (Lévitique 13,46).

D’une autre manière, nous pouvons être surpris par la dureté de la règle édictée au livre du lévitique à l’encontre des lépreux. Ceux-ci se voyaient réduits au statut d’intouchables, d’impurs, qui les enfermait dans un éloignement mortel de la vie. Cette maladie paraissait tellement liée au péché personnel et à sa sanction par Dieu que sa guérison ne pouvait qu’être attribuée à Dieu qui pardonnait le péché. Il s’ensuivait un rite sacrificiel au Temple pour sceller la réintégration dans la communauté de foi et de vie.

 « Je le veux, sois purifié » (Marc 1,41).

Avec sa pédagogie coutumière, le Christ vient faire voler en éclats la mentalité traditionnelle. Son action n’est pas le fait du hasard d’une rencontre mais le fruit de la volonté rédemptrice de Dieu. Se penchant sur l’homme blessé, le Christ franchit les interdits édictés par les hommes au nom de Dieu, pour réaliser l’acte recréateur de l’homme dans toute sa dignité. Mais il l’accomplit par un échange où il se charge de l’impureté attachée à la lèpre devenant le Serviteur souffrant d’Isaïe : « Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne » (Isaïe 53, 3 et ss). Se faisant lépreux, Jésus libère les lépreux, annonçant la rédemption par la Croix. Telle est la justice de Dieu commentée par saint Paul : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que par lui nous soyons identifiés à la justice de Dieu » (2 Corinthiens 5,21).

Saurons-nous à notre place franchir les barrières que nous dressons entre les hommes afin de n’être un obstacle pour aucun de nos frères ? (1 Corinthiens 10,32).


Dimanche 8 Fébrier- 5ème dimamnche du temps ordinaire [ Lectures :Jb 7, 1-4.6-7 ; Ps 146 ;1Co 9, 16-19.22-23 ;
                                                                                      Mc 1, 29-39 ]

L’EVANGILE DU SALUT

« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! » (1 Corinthiens 9,16).

Au terme des « Assises pour la Mission » dont une rencontre était consacrée à la mission, comment ne pas retenir l’exemple de Paul ! Avec joie l’apôtre déclare : « C’est une nécessité qui s’impose à moi » (id). Quelques versets plus avant il insiste aussi sur la liberté qui est la sienne et qui le conduit à se faire « serviteur de tous ». Avec un accent qui révèle à quel point l’ancien persécuteur a été transformé par le Christ, il ajoute : « j’ai partagé la faiblesse des plus faibles pour gagner aussi les faibles » (id vv.19-22).

Pas de meilleure conformité au Christ sauveur qui librement est allé vers l’homme blessé, le rejoint dans sa faiblesse pour inscrire en lui son amour qui est source du Salut.

« Souviens-toi Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur » (Job 7,7).

Que de chemin parcouru depuis l’auteur anonyme du livre de Job qui, au Vème siècle avant Jésus-Christ, reprenant un vieux fond de sagesse vient interroger Dieu sur le sens de la souffrance qui accable l’homme. Contestant avec énergie la position traditionnelle et providentialiste du judaïsme de l’époque, l’auteur met en débat l’homme  - un non juif – et le Créateur. Il pose ainsi la question du salut sur un plan universel. Avec des accents très contemporains, Job ne veut pas exonérer Dieu de sa responsabilité dans la douloureuse épreuve qui l’accable. Cette question est en effet toujours celle des hommes. Pourquoi Dieu, s’il est bon, permet-il le déferlement des souffrances et des malheurs sur l’humanité ?

La conclusion, provisoire, fait déjà réaliser un grand pas vers l’accomplissement de la Révélation en Jésus : aucun homme ne peut se prétendre juste. Seul Dieu l’est. C’est au nom de cette justice intrinsèque à Dieu que la Foi peut être maintenue.

« Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais » (Marc 1,39).

Seul le Christ peut apporter une clarté décisive à ces interrogations. Ce qui était une existence désenchantée tant individuellement : la belle-mère de Simon, que collective : « la ville entière se pressait à la porte » (id vv 30 et ss.), devient par le geste du Christ une existence renouvelée. Approche de l’homme malade aux portes de la mort, délivrance des forces qui tentent de le conduire à son anéantissement, tout annonce le combat final sur la croix où, dans un don sans mesure, le Juste viendra lever le poids de la malédiction qui pèse sur l’humanité.

Ce combat est toujours actuel. Comme son Seigneur, l’Eglise, qui est son corps et dont nous sommes les membres, doit aller vers l’homme pécheur, blessé par la déficience d’amour, et lui rendre l’espérance d’être aimé et de pouvoir aimer. Tel est le secret de sa guérison que pressentait déjà le vieux Job et que le chantait le psalmiste :

 « Il est bon de fêter notre Dieu
Il est beau de chanter sa louange
Il guérit les cœurs brisés
Et soigne leurs blessures »        (Psaume 146,1-3)


 Dimanche 1er Février 4ème dimamnche du temps ordinaire [ Lectures : Dt 18, 15-20 ; Ps 94 : 1Co 7, 32-35 ; Mc 1, 21-28]

ECOUTER LA VOIX DU SEIGNEUR

« Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez » (Deutéronome 18,15).

Dans l’introduction de son ouvrage sur Jésus de Nazareth, le Cardinal Joseph Ratzinger, devenu le Pape Benoît XVI, souligne l’importance décisive du cinquième livre de la Torah, le livre du Deutéronome, pour comprendre la figure de Jésus. Revenant sur la Promesse, le Deutéronome annonce bien plus que l’institution prophétique – celle-ci existait au moment de la rédaction du dernier livre de la Loi – mais une libération plus radicale que celles déjà vécues par le peuple de la première Alliance. De ce fait, elle nécessitait un nouveau prophète dont la Parole sera d’une autorité sans précédent car résultant d’une proximité incomparable entre Dieu et son Elu. Moïse avait parlé à Dieu comme à un ami. De cette proximité découlaient ses œuvres et sa parole : les Dix Paroles enracinées dans la vision de Dieu. Mais cette vision était encore imparfaite. Moïse n’avait pu obtenir de voir réellement le visage de Dieu. Sa parole, certes éminente, demeurait empreinte d’une limite infranchissable. Le nouveau Moïse  - Jésus – déploie son enseignement au contact direct avec le Père. « Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui a conduit à Le connaître » (Jean 1,18). Aussi son enseignement est-il tout autre, radicalement autre.

 « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! » (Marc 1,27)

La question  que se posent les auditeurs du Christ est pertinente ! Cet enseignement ne procède d’aucune école rabbinique, il est fondé « sur la vision et la connaissance face à face » (Jésus de Nazareth p.27). Se refuser à entrer dans le mystère de ce fondement intérieur conduit au rejet et à la réduction au silence de l’unique Parole de Vérité. Verbe éternel incarné, le Christ est la parole récréatrice engendrant l’humanité blessée par le péché à sa nouveauté. L’homme malade, inexorablement conduit à la mort, se trouve en situation d’accéder à l’achèvement bienheureux de sa création : « Silence : sors de cet homme ! » (Marc 1,25). Etrange paradoxe : ce sont les puissances du Mal contre qui Jésus a engagé le combat qui vont reconnaître de manière négative la puissance vivificatrice du Christ : « que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? »(id.v.24).

 «Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent » (Marc 1,27).

L’effroi des auditeurs et des spectateurs de l’exorcisme accompli par Jésus nous rappelle à quel point le péché œuvre en nous : peur, manque de confiance, corruption, mort. Il faut que le Christ vienne lui-même vivre, en un ultime combat, cette peur, cette angoisse. Il lui faut sur la Croix exténuer sa parole pour que dans le silence de la mort puisse se dévoiler la toute puissance d’une parole toujours porteuse de pardon et de miséricorde. Elle nous est toujours donnée dans l’Eglise par « le Saint de Dieu » (id.v.24) qui nous ouvre à sa vie.

Saint Paul nous invite, comme au temps des Corinthiens, à nous ouvrir à cette Parole pour être « attachés au Seigneur sans  partage » (I Corinthiens 7,35).


Dimanche 25 Janvier 3ème dimamnche du temps ordinaire [ Lectures :Jon 3, 1-5.10 ; Ps 24 ; 1Co 7, 29-31 ; Mc 1, 14-20 ]

 IMMINENCE

 « Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche » (Marc 1,15).

Ainsi que l’écrit Benoît XVI dans le tome 1 de Jésus de Nazareth, le message central de l’Evangile est la proximité du Royaume de Dieu. Une nouveauté surgit dans le temps des hommes qui exige de ceux-ci conversion et foi. L’accomplissement du temps est lié à une imminence, une exigence : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (id.). Un ordre des choses est en train de disparaître. Il faut nous y préparer pour accueillir l’ordre nouveau qui advient.

Le livre de Jonas et l’exhortation de Paul aux Corinthiens nous disent la même chose. Le temps de Ninive est compté : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite » (Jonas 3,4). Devant l’imminence de la catastrophe : « aussitôt les gens de Ninive crurent en Dieu » (id 3,5). Se détourner de toute conduite mauvaise (id.v10) est toujours d’actualité. Il s’agit de mettre fin à tout ce qui dans les comportements humains est contraire à l’amour, c’est-à-dire, à ce que Dieu attend de sa créature faite à son image, selon sa ressemblance. Aucun domaine de l’existence humaine ne peut être laissé hors du champ de la conversion. C’est ce que Paul explique aux Corinthiens afin que l’amour et la vie l’emportent sur les forces de ténèbres et de mort.

« Le monde tel que nous le voyons est en train de passer » (I Corinthiens 7,31).

Accueillir le monde nouveau c’est tout d’abord prendre de la distance par rapport à ce qui est en train de passer. Saint Paul prône un détachement tout droit issu de l’Evangile. Nous ne devons pas nous attacher aux réalités de ce monde, fussent-elles bonnes, comme si elles constituaient la finalité de l’existence. Cette conversion, ce retournement, nécessitent le don de l’Esprit. Pendant l’Avent, Jean-Baptiste désignait celui qui était « plus puissant que lui » et « qui baptisait dans l’Esprit Saint et le feu ». Ainsi désignait-il le Règne de Dieu tout proche dont la perception est seule capable de nous mouvoir pour nous faire entrer sans délai dans le mouvement de conversion qu’elle implique.

 « Venez derrière-moi. Je ferai de vous des pécheurs d’hommes. Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent » (Marc 1, 17-18).

Cette conversion ne souffre aucun délai. Elle implique une urgence qu’exprime le « aussitôt » souligné par l’Evangéliste. Il n’y a plus ici d’intermédiaire entre la Parole et l’auditeur. Le Christ est la Parole qui attire à lui les hommes pour les libérer de tous leurs conditionnements, de leur enfermement. L’amour est libérateur. Il ouvre toutes les réalités humaines marquées par le péché à une nouveauté : le Règne de Dieu où l’Esprit Saint crée la communion. L’Eglise, fondée sur les Apôtres, a pour tâche jusqu’à la fin des temps d’ouvrir à l’humanité la voie de la vie et de la renaissance. C’est à cette tâche pascale que nous devons coopérer car le temps est limité.

« Le Règne de Dieu est venu jusqu’à nous ; croyez à la Bonne Nouvelle » (verset de l’Alléluia). 


Dimanche 18 janvier 2ème dimamnche du temps ordinaire [ Lectures : 1S 3, 3b-10.19;  Ps 39 ; 1Co 6, 13b-15a.17-20;  
                                                                                     Jn 1, 35-42]

« VENEZ ET VOUS VERREZ » (Jean 1,39)

 Le court dialogue entre le Christ et les deux disciples de Jean le Baptiste : « Maître, où demeures-tu ? … Venez et vous verrez » (id v38-39) est symbolique de la quête de millions d’hommes et de femmes d’une nouveauté radicale de vie. Elle s’est réalisée à travers l’histoire par des formes multiples d’engagements sociaux, politiques, économiques, philosophiques, spirituels. Beaucoup se sont fourvoyés dans des voies sectaires engendrant violence et malheur. D’autres, à l’instar d’André et de Jean, ont su faire la bouleversante découverte du Maître seul capable de dénouer les pesanteurs de comportements routiniers et de libérer les potentialités d’aimer.

La rencontre décisive est celle du « Messie-Agneau de Dieu ». La quête débouche sur un « demeurer » qui, loin d’être statique, est une marche dans la confiance et l’amour. Elle conduit à vivre le mystère de la Croix et de l’agneau immolé. Cette demeure est comme le souligne saint Paul, une union au Christ pour « n’être plus qu’un seul esprit avec lui » et devenir « temple de l’Esprit Saint » (1 Corinthiens 6,17-19).

  « Tu m’as appelé, me voici » (1 Samuel 3,5-6-8)

La Bible est comme la partition musicale d’un thème – l’écoute et le regard – aux multiples variations. Aux temps incertains des juges d’Israël, c’est le jeune Samuel qui doit accueillir la Parole encore inconnue de lui qui le met en marche pour sa destinée de Juge et de Prophète. Aux temps de l’intertestament, André et Jean doivent passer de la nuit de leur recherche au jour de la visibilité : « Venez et vous verrez ». A travers le visage de l’Agneau de Dieu, les disciples du Baptiste sont amenés à découvrir la face du Fils de Dieu en Jésus de Nazareth. Tel est le résultat du mouvement de foi.

 « Nous avons trouvé le Messie » (Jean 1,41)

Mieux encore ! Découvrant le visage humain du Messie, les disciples découvrent leur identité. Ainsi Simon devient-il « Kepha, ce qui veut dire : Pierre » (Jean 1,42). Demeurer avec Jésus, c’est entrer dans le grand mouvement de la Révélation qui se poursuit aujourd’hui dans l’Eglise. Sans celle-ci, demeure de Dieu itinérante parmi les hommes au fil des siècles, pas de possibilité d’accéder à la nouvelle demeure de Dieu : Dieu lui-même dans la communion des trois personnes divines. Demeurer avec le Christ c’est se mettre sous son regard et sa Parole pour recevoir notre nouvelle destinée d’enfant de Dieu. Sanctifiés au baptême par l’Agneau immolé nous découvrons que « nous ne nous appartenons plus à nous–mêmes, car le Seigneur nous a achetés très cher » (1 Corinthiens 6,19-20).


Dimanche 11 Janvier  Fête du Baptême du Seigneur  [ Lectures :Is 55, 1-11 , Cantique (Is 12) , 1Jn 5, 1-9 , Mc 1, 7-11 ]

ÉPIPHANIE BAPTISMALE

« C’est toi mon Fils bien-aimé : en toi j’ai mis tout mon amour » (Marc 1,11).

Conclusion du temps de Noël, la fête du Baptême du Christ que nous célébrons ce dimanche est une nouvelle Épiphanie, c’est-à-dire une manifestation de l’identité profonde du Christ, vrai Dieu et vrai homme. Avec sa concision habituelle, l’évangéliste Marc ouvre par cette scène « la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu » selon l’incipit de son Évangile. Chez lui, pas de prologue, pas de généalogie, mais la plongée sans tarder dans l’œuvre créatrice et rédemptrice accomplie par Jésus. Sans plus attendre nous voici mis en présence de la révélation du mystère : la relation privilégiée du Christ avec son Père. A sa manière, saint Marc nous place au commencement de tout commencement.

« Aujourd’hui le ciel s’est ouvert, l’Esprit descend sur Jésus, et la voix du Père domine les eaux : "Voici mon Fils, mon bien aimé" ». (Verset de l’Alléluia)

Accomplissement de la prophétie d’Isaïe que nous entendions au début de l’Avent, le Baptême du Christ est comme le franchissement par Dieu d’une frontière jusqu’alors fermée. Le ciel était clos, la communication avec Dieu impossible. L’homme était dans les ténèbres. Désormais les cieux se déchirent et Dieu – Père, Fils, Esprit Saint – se fait présent au plus profond de l’humanité, ouvre le chemin de la nouvelle création, rend visible l’union de l’humanité et de la divinité, l’Alliance toujours espérée, mais demeurée inachevée.

En entendant le Père déclarer : « C’est toi mon Fils bien aimé », nous voici assurés que Jésus n’est pas un homme adopté par Dieu, mais bien le Fils unique venu accomplir le dessein d’amour du Père : établir le règne de justice, de paix, de vérité. Saurons-nous accueillir ce prodigieux don de Dieu ? Saint Jean nous y invite dans ce verset de la première lettre lue en seconde lecture : « Nous acceptons bien le témoignage des hommes : or le témoignage de Dieu a plus de valeur, et le témoignage de Dieu, c’est celui qu’il rend à son Fils » (1 Jean 5,9).

 « Ma  parole qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission » (Isaïe 55,11).

Étonnant oracle du prophète de la première Alliance ! La parole, le Logos, est désormais tout entier dans la personne humaine de Jésus. Le retour de la Parole c’est le retour du Fils au Père par le mystère pascal. Tout est clairement explicité au Baptême : plongée dans les eaux du Jourdain qui enveloppent comme un linceul le corps du Messie, remontée sur la rive, sortie de l’eau comme une sortie de la mort, Esprit planant comme l’oiseau de paix apportant à Noé le signe de la réconciliation et d’une plénitude de vie, Parole du Père qui ratifie l’œuvre pascale du Fils.

Ainsi est annoncée l’Alliance nouvelle et éternelle par l’eau et le sang. Reprenons conscience que notre baptême est pour chacun notre commencement pour entrer dans la communion du Dieu Trinité, pour que nous devenions aussi des fils de bien-aimés.


Dimanche 4 Janvier Solennité de l'Épiphanie du Seigneur  [ Lectures : Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ;Mt 2, 1-12 ]

LUMIÈRE SUR LE MONDE

 « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore » (Isaïe 60,3).

Avec bonheur, la fête de l’Épiphanie, que nos frères des églises d’Orient célèbrent avec faste, met en lumière un aspect fondamental de la Révélation divine. Tous les hommes sont « associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile »  (Éphésiens 3,6). Même si Dieu s’est révélé dans l’histoire à partir d’un peuple particulier – Israël -, même s’Il s’est manifesté ultimement en un homme particulier – Jésus de Nazareth -, c’est à cet universel qu’est l’humanité dans toutes ses dimensions qu’est destiné l’appel de Dieu. Au-delà des particularismes, des singularités, des différences voire des divisions, Dieu se constitue le peuple unique en qui il n’y aura plus « de grec et de juif, d’israélite et de païen, de barbare, de sauvage, d’esclave, d’homme libre » parce qu’il n’y aura plus « que le Christ : en tous, il est tout » (Colossiens 3,11). Telle est la lumière de l’Évangile sur le monde qui rayonnera jusqu’à l’Épiphanie définitive, la manifestation ultime de la gloire du Fils unique.

 « Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui » (Matthieu 2,2).

Cet universalisme du Salut, qui est au centre de notre foi, trouve en cette fête de l’Épiphanie une étape décisive de son accomplissement. Les Mages viennent d’un univers religieux païen bien opposé à celui d’Israël. Chez eux sagesse, science, religion, sont mêlées. C’est à partir d’un élément du cosmos, à la fois objet de leur science astrologique et de leur vision religieuse du cosmos, qu’ils entrent peu à peu dans la connaissance du vrai Dieu. Ainsi la Création est-elle démythologisée et devient une hymne à Celui qui en est l’auteur sans se confondre avec elle.

De leur côté, les Juifs détiennent le livre de la connaissance, mais ils l’ont laissé fermé. Enfermée dans une bibliothèque, la Parole est réduite au silence et n’irrigue plus la vie du peuple né de cette Parole. Aussi l’Épiphanie devient la lumière qui éclaire le chemin à parcourir tant pour le païen que pour le juif pour découvrir la source de vie et d’amour qui vient illuminer tout homme dans le monde.

 « Aujourd’hui, tu as dévoilé dans le Christ le mystère de notre salut pour que tous les peuples en soient illuminés (Préface de l’Épiphanie)

« L’Église n’offre plus ni l’or ni l’encens, ni la myrrhe, mais Celui que ces présents révélaient, qui s’immole et se donne en nourriture » (Prière sur les offrandes). L’Église a toujours pour mission de porter au monde la lumière épiphanique. Encore faut-il que ses enfants soient, comme les Mages, des pèlerins en quête de la source de vie. C’est donc le témoignage de l’Amour, notre or, notre encens, notre myrrhe, que l’Enfant-Dieu attend de ceux qui sont marqués de son Esprit, nourris de sa présence.

Ainsi le chemin de l’Épiphanie conduira tous ceux qui l’emprunteront vers la lumière de la Résurrection pour le bien de tous les hommes appelés à communier à ce mystère du Salut.