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EDITO
DES HOMELIES
DE MGR RECHAIN

 

   2010


Dimanche 12 Septembre 24ème dimanche ordinaire  [ Lectures  : Ex 32,7-11.13-14; Ps50 ; 1Tm 1,12-17; Lc 15,1-32]

ACTION DE GRÂCE POUR LE PARDON

 « … le Christ m’a pardonné … la grâce de notre Seigneur a été encore plus forte, avec la foi et l’amour dans le Christ Jésus » (1 Timothée 1,13-14).

Magnifique louange en forme d’action de grâce que ce passage de la première lettre de l’apôtre Paul à son disciple Timothée !

Savons-nous, nous aussi, à l’instar de Moïse et de Paul, être pleins de reconnaissance pour la manière dont le Père, le Fils et l’Esprit Saint déploient la puissance de leur unique Amour pour inverser le cours mortel de nos existences pécheresses ? L’honneur et la gloire de Dieu, selon les mots mêmes des Apôtres sont de sauver l’homme de la perdition où le péché l’entraîne.  A nous de le reconnaître, non comme un Dieu jaloux de sa puissance, demandant compte de nos erreurs et de nos fautes, mais au contraire comme le Dieu qui nous veut à son image et à sa ressemblance, plein de tendresse et de miséricorde, trouvant sa joie dans le pardon qui ouvre la route du Salut.

 « Le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple » (Exode 32,14).

L’expérience d’Israël – ici celle des Hébreux au désert de l’Exode – est profondément symbolique de nos expériences individuelles et collectives. La conduite idolâtrique du peuple est de préférer mettre sa confiance en ses propres œuvres – « le veau de métal fondu » - pour s’assurer le salut. Il rompt ainsi l’alliance avec Celui qui est « le Dieu unique, invisible, immortel » (1 Tim 1,17) et se confie à une sécurité illusoire qui conduit au désastre. La « colère de Dieu » est l’illustration de l’impasse mortelle dans laquelle les Hébreux se sont enfermés.

C’est alors qu’intervient la prière de Moïse. Celui-ci est déjà l’annonce du Christ sauveur. En communion avec Dieu à qui Il demeure fidèle, il se fait aussi solidaire du peuple pécheur de qui il ne saurait être détaché. Ainsi s’esquisse la fonction médiatrice que le Christ réalise en perfection, donnant au Père le point d’appui indispensable pour mettre en œuvre son dessein d’amour et de salut. La prière d’un seul, la vie d’un seul, assurent le salut de tous.

« Il fallait bien festoyer et se réjouir, car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu, et il est retrouvé ! » (Luc 15,32)

Telle est l’inlassable patience de la pédagogie divine qui conduit l’homme des prémices de la Révélation dans les terres hostiles de l’Exode jusqu’au Christ « venu dans le monde pour sauver les pécheurs » (1 Timothée 1,15).

A travers les trois paraboles de la brebis, de la drachme et du fils perdu, le Christ nous rappelle que l’amour de Dieu, source inépuisable de vie, ne demande qu’à s’épancher sans compter pour que ce qui était perdu soit retrouvé, ce qui était mort soit à jamais vivant. Oui, le pardon est bien la source vivifiante dans le monde du péché. A nous de l’accueillir et de le donner pour être des vivants. L’honneur de Dieu, la gloire de Dieu, ne sont pas autre que « l’homme vivant » (Saint Irénée).


Dimanche 5 Septembre -23ème dimanche ordinaire [ Lectures  : Sg 9,13-18 ; Ps 89 ; Phm 9b-10.12-17; Lc 14,25-33]

PRÉFÉRER LE CHRIST

 «Et qui aurait connu ta volonté, si tu n'avais pas donné la Sagesse et envoyé d'en haut ton Esprit Saint ? » (Sagesse 9,17).

 Comment accéder à la connaissance de Dieu ? Question qui, pour beaucoup, demeure sans réponse ! L'aveu même de notre incapacité en ce domaine pourrait être source de désespérance. Nous restons seuls face à nous‑mêmes, devant notre propre mystère, tout aussi insondable, tant il est lié au mystère de Dieu lui‑même.

 Le Sage de la Première Alliance, ouvre déjà une piste en nommant la Sagesse et l'Esprit Saint comme venant à notre secours et nous donnant la possibilité d'accéder à la connaissance du Tout Autre. Cependant c'est dans et par le Christ seul que nous pouvons entrer en vérité dans la compréhension de Celui qui est l’Inconnaissable par excellence.

 Découvrir les intentions de Dieu (Sagesse 9,13), découvrir sa volonté, c'est découvrir que le Christ nous a préférés à sa propre vie d'intimité avec le Père. Se faisant serviteur de l'homme, il fait de celui-ci un frère bien-aimé, un fils bien‑aimé de son Père. Il nous a préférés pour que nous le préférions. C'est à ce mouvement de décentrement que nous sommes appelés à l'instar de celui que Paul propose à Philémon à l'égard de son esclave Onésime. (Philémon v.15‑17).

 « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses soeurs, et même à sa propre vie, Y ne peut pas être mon disciple » (Luc 14,26)

 Rude exigence que celle que le Seigneur nous propose ! Notre réticence devant les propos de Jésus provient notamment de notre compréhension du verbe « préférer ». Pour nous il est exclusif de toute autre relation ! Il n'en est pas ainsi en Dieu. Le péché est ce qui conduit l'homme à se préférer lui‑même en toute chose. Le Christ en montant vers Jérusalem, c'est‑à‑dire vers sa Passion et sa mort, nous dit ce qu'est aimer. Nous aimer, jusqu'à se dessaisir de sa vie sur la Croix, est accomplir la volonté du Père, aimer le Père dans cet acte de folie à vue humaine, mais de sagesse aux yeux de Dieu.

 Désormais, en se mettant à son école, en préférant le Christ à tout autre attachement, aussi légitime soit‑il, le disciple peut accéder à la source de l'amour. En rompant avec la part de nous‑mêmes qui demeure sous l'emprise de la chair, sous celle des «pensées chancelantes » (Sagesse 9,14), nous apprécions ce qui plait à Dieu et devenons à son image et à sa ressemblance.

 « Quel est celui d’entre vous qui veut bâtir une tour, et qui ne commence pas par s'asseoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu’au bout ? » (Lac 14,28).

« Aller jusque au bout», tel est l'enjeu de la marche du disciple du Christ. Paradoxalement cela suppose d'abandonner toute assurance pour choisir le Christ seul. C'est faire l'expérience d'une relation unique qui, au‑delà des renoncements, nous enrichit, nous fortifie. « S’asseoir», c'est discerner à quel point le Christ est notre chemin, notre vérité, notre vie. Telle est la réalité que le Sage pressentait avant la venue du Messie : « C’est ainsi que les chemins des habitants de la terre sont devenus droits ; c"est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plait, et par la Sagesse ont été sauvés ». (Sagesse 9,18).

En toutes circonstances, préférons le Christ qui fait de nous ses disciples.


Dimanche 27 Juin - 13ème dimanche ordinaire [Lectures :1R 19, 16b.19-21 ; Ps 15 ; Ga 5, 1.13-18 ; Lc 9, 51-62]

LA ROUTE DU CHRIST, CHEMIN DE LIBERTÉ

« Frères, si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres » (Galates 5,1).

La liberté, un bien sans prix ! Toute l’histoire de l’humanité est jalonnée par la recherche de sa conquête. Combien d’hommes et de femmes n’ont-ils pas sacrifié cet autre bien précieux : leur vie, pour que leur descendance puisse connaître le bonheur d’être libre.

La Révélation judéo-chrétienne, non seulement ne fait pas exception dans ce travail incessant de quête de la liberté, mais, mieux encore, elle en donne le fondement oublié par beaucoup : Dieu lui-même qui se présente comme la source de toute liberté. « Je suis qui je suis » (Exode 3,14) est le nom de l‘Etre libre par excellence. Dieu de la Pâque qui fait passer de la terre d’esclavage à celle de la Promesse, où l’homme doit s’accomplir comme être libre à son image et à sa ressemblance.

« Vous avez été appelés à la liberté » rappelle saint Paul aux Galates (5,3). La route à suivre est celle de l’Esprit de Dieu en « se mettant par amour au service les uns des autres », en renonçant « aux tendances égoïstes de la chair qui s’opposent à l’Esprit » (id.v.17.18).

 « Toute la loi atteint sa perfection dans un seul commandement et le voici : tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Galates 5,14).

Pour Paul, la loi est source d’esclavage. Seule la perfection de l’Amour rend libre car c’est l’Esprit de liberté qui nous la communique. Cela est vrai dans l’acte créateur par lequel Dieu fait advenir librement à l’existence ce qui ne pourrait exister sans son amour. Nous sommes appelés à la liberté dit l’Apôtre. Il y a donc une route à parcourir celle où nous conduit l’Esprit et qui n’est autre que celle du Christ, Verbe incarné, venu vivre librement notre condition humaine asservie par le péché. Ainsi l’Esprit nous guide-t-il vers celui qui est notre vérité : l’homme nouveau que le Christ est venu révéler parmi nous.

 « Je te suivrai partout où tu iras » (Luc 9,57).

L’Évangile de Luc lu en ce dimanche souligne la perspective pascale et l’effort humain que met en œuvre le Christ pour transformer en acte de liberté ce qui apparaît trop souvent comme un destin soumis au « fatum » aveugle et tragique. Le temps de Sodome  est révolu quoi qu’en pensent Jacques et Jean ! Le seul « feu du ciel »  est celui de l’Esprit qui vient embraser la Création de son amour et susciter la vie nouvelle.

Jésus est ici le Dieu du passage qui entraîne l’homme dans sa marche libératrice de toute fascination morbide de la mort, de tout passé stérile dans lequel il a tendance à s’enfermer. Ouverture des tombeaux mortels, perspective de la Résurrection, telles sont les caractéristiques de la route du Royaume. Saint Paul le soulignait dans sa lettre aux Philippiens (3,13-14) : il nous faut être « tendus vers l’avant, oubliant ce qui est en arrière, courir vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus ». Écoutons-le !


Dimanche 20 Juin  12ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures : Za 12,10-11a et 13,1 ; Ps 62 ; Ga 3, 26-29 ; Lc 9, 18-24 ]

QUESTION D’IDENTITÉ

 « Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je » (Luc 9,20)

« Un jour, Jésus priait à l’écart » souligne l’Évangéliste (v.18). Sans doute est-ce dans ce cœur à coeur spirituel avec son Père que Jésus puisait toute la vérité de son être, de sa mission qu’Il désirait faire partager à ses disciples. La réponse de Pierre : « Le Messie de Dieu » va bien sûr plus loin que la perception des foules qui en demeurent à la réitération du modèle prophétique. Il est possible d’y percevoir l’écho de l’étonnante prophétie de Zacharie concernant le Roi-Messie que Jésus réalisera lors de son entrée solennelle à Jérusalem. Toutefois cette figure demeure pleine d’ambiguïté et le Christ lui-même impose le silence et substitue une nouvelle titulature, celle du Fils de l’Homme.

Evoquée au livre de Daniel, cette figure évoque un pouvoir souverain et une royauté qui ne sont pas de ce monde. Mais Jésus en décrit les conditions d’accès, celles de la passion et de la mort que les disciples entendent pour la première fois.

 « Ils lèveront les yeux vers Celui qu’ils ont transpercé… Et ce jour-là il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure » (Zacharie 12,10…13,1)

Jésus révèle ainsi ce que c’est d’être « Messie de Dieu ». Il s’agit de libérer l’homme de toutes les chaînes dont il s’est lui-même chargé par sa désobéissance. Une telle libération ne peut venir de l’extérieur. Elle doit s’accomplir librement au sein de l’humanité. Seul un médiateur, vrai Dieu et vrai homme, peut prendre à son compte la blessure de l’homme, la vivre avec amour afin de la guérir et de rendre à l’homme la capacité d’union à Dieu. Croix, souffrances, mort ne viennent pas de Dieu mais des hommes. Ce sont ceux-ci qui dressent une Croix au Christ. Mais voici que, par son amour, ce qui aurait pu être la marque de l’échec du dessein divin devient grâce au Christ le signe du Salut, celui qu’annonçait mystérieusement le Prophète Zacharie.

 « Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Galates 3,27).

Nul, mieux que Paul, n’a saisi en profondeur l’œuvre de vie qu’a réalisée l’amour de Dieu au cœur même de la destruction de l’être occasionnée par le péché. Plongés par le baptême dans la mort du Christ, nous sommes à jamais unis à lui. Nous avons revêtu le Christ (Galates 3,27).

Les Apôtres, Paul, nous invitent aujourd’hui à faire nôtres le conseil du Christ : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive » (Luc 9,23). Que le don de Dieu suscite en nous les mœurs du nouvel Adam pour « ne faire plus qu’un dans le Christ Jésus » (Galates 3,28).


Dimanche 13 Juin  11ème dimanche du temps ordinaire  [Lectures :2S 12, 7-10.13 ; Ps 31 ; Ga 2, 16.19-21 ; Lc 7, 36-50; 8, 1-3 ]

 ;LA FOI, L’AMOUR ET LE PARDON 

« Frères, nous le savons bien, ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus-Christ » (Galates 2,16)

Seule la Foi sauve. Telle est l’expérience de l’Apôtre Paul, telle est l’expérience de la femme pécheresse de l’Evangile. Le Pharisien Simon, lui aussi, est invité à comprendre que « personne ne devient juste en pratiquant la loi » (id.v.18). Le Salut ne peut s’originer dans des pratiques aussi exigeantes soient-elles mais seulement dans la foi en Celui qui est la source de la justice et de l’amour : Dieu lui-même. Seul le Christ peut nous justifier par l’amour qu’Il nous porte jusqu’à nous donner sa vie. Seule la Foi en cet amour peut sauver. C’est ce que qu’exprime l’attitude étonnante de la pécheresse de l’Evangile. Par sa reconnaissance éperdue d’amour, elle nous pousse nous aussi qui sommes pécheurs à nous retourner vers celui qui est capable par son amour de changer notre vie, de nous faire renaître.

Saint Paul qui a fait lui aussi l’expérience de cette transformation nous le dit avec force : « Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Galates 2,20).

 Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche : une pécheresse » (Luc 7,39).

Simon le Pharisien est l’illustration a contrario de la méditation paulinienne. Pour lui et ses semblables, seul le péché détermine le rapport de l’homme à Dieu. Le Christ vient lui montrer qu’à l’inverse ce qui fonde la relation, c’est l’amour. Par la parabole des deux débiteurs, Jésus fait sentir à Simon qu’il est redevable d’une dette incommensurable : celle de l’amour qu’il n’a pas manifesté. En étant incapable de se mettre au service de ses frères, d’entrer dans une relation aimante, Simon doit mesurer la terrible absence d’amour dans sa vie. Sa dette est une dette d’amour à l’égard de Dieu qui l’aime pourtant sans mesure. Il est donc incapable de reconnaître la vérité de son Invité et sa question « qui est cet homme ?» (v.48) demeure sans réponse.

 « Ta Foi t’a sauvé. Va en Paix » (Luc 7,50).

A l’opposé, la femme pécheresse est venue trouver le Christ en sachant au plus profond d’elle-même qu’Il est celui qui peut la sauver d’elle-même et la faire entrer dans une vie nouvelle. Sa Foi précède son Amour. Elle va pouvoir en recueillir le fruit : « Va en Paix ». C’est déjà le don de la Résurrection.

Avec la femme anonyme, avec Paul, prenons conscience que la foi est d’abord foi en l’amour qui est Dieu. Croyons que nous sommes aimés, que notre dette est remise, que l’amour de Dieu est source de notre amour afin que nous soyons justifiés par la grâce de Dieu.

« Heureux l’homme dont la faute est enlevée et le péché  remis »  (Psaume 31,1)


Dimanche 6 Juin - Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ [Lectures :Gn 14, 18-20 ; Ps 109 ; 1Co 11, 23-26 ; Lc 9, 11b-17]

LE SACREMENT DE L’UNITE

 « Sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l’âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné »

Ainsi le Concile Vatican II, dans la constitution sur la Sainte Liturgie, reprend-il l’antienne latine du Magnificat aux Vêpres de la fête du Très Saint Sacrement. Sacrement des sacrements institué par le Christ dans le don de lui-même comme nourriture de l’homme, l’Eucharistie s’enracine déjà dans la première Alliance comme le souligne le vieux récit patriarcal de la rencontre d’Abraham avec la mystérieuse figure de « Melkisedek », le Roi de justice, et comme le met en lumière l’auteur de la lettre aux Hébreux présentant le Christ dans la continuité du Roi de Salem. En portant atteinte au dessein d’unité voulu par Dieu, l’homme s’est placé dans une situation qui le conduit à la mort. Par le geste eucharistique de la Nouvelle Alliance, le Christ « grand prêtre selon le sacerdoce de Melkisedek » (Hébreux 7,20) restaure l’unité malmenée, instaurant pour ce temps le sacrement de l’unité, de la justice et de la paix.

 « Ceci est mon corps qui est pour vous … cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang » (1 Corinthiens 11,24-25).

Fruits de la terre, de la vigne et du travail des hommes, le pain et le vin sont issus de la nature et de l’histoire. Mais ils s’enracinent plus profondément dans le don que Dieu nous fait de sa création. Ils sont la figure du Dieu-Providence, qui veille à donner à ses enfants la subsistance qui leur permettra d’accéder au partage de sa propre vie. Ce qui n’était encore qu’une figure dans la bénédiction de Melkisedek, dans la  providence de la manne dispensée au désert, dans le pain multiplié au bord du lac, devient par l’Eucharistie du Christ la nourriture de vie éternelle. Le Christ ressuscité se fait ici et maintenant notre subsistance pour que puissent se développer en nous les prémices de la vie nouvelle qui donne forme à l’humanité réconciliée, unifiée dans la gloire du Père.

 « … Faites cela en mémoire de moi » (1 Corinthiens 11,24).

Vrai Roi de justice et de Paix dans son action de grâce, le Christ confie désormais à son Eglise ce sacrifice, ce « faire sacré » , afin qu’elle en fasse mémoire jusqu’à son retour dans la gloire. Chaque jour les Hébreux renouvelaient leurs forces par la manne renouvelée. Chaque jour, s’il le souhaite, le chrétien peut puiser dans l’Eucharistie la force qui forme déjà en lui sa condition de ressuscité. « Faire mémoire » n’est pas la célébration d’un passé. C’est actualiser dans notre présent et vivre aujourd’hui par anticipation les noces de l’Agneau chantées par l’Apocalypse et accomplies sur la croix.

Ainsi se constitue le peuple unifié au-delà des divisions par l’amour inépuisable du Père, du Fils et de l’Esprit.


Dimanche 30 Mai - Fête de la Sainte Trinité  [Lectures : Pr 8, 22-31 ; Ps 8 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15]

LE MYSTÈRE TRINITAIRE, SOURCE DE LA BIENHEUREUSE ESPÉRANCE

 « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il nous guidera vers la vérité tout entière… il reprend ce qui vient de moi pour le faire connaître » (Jean 16,13-14).

Depuis l’aube de l’humanité la question de Dieu demeure une énigme troublante pour l’intelligence. Poser les conditions de possibilité d’un être, source de tous les êtres, a été l’un des plus nobles efforts de la pensée. Mais le risque est grand de voir l’aventure intellectuelle s’abîmer en  apories stériles si Dieu lui-même ne prend pas l’initiative de venir au devant de notre quête.

Voilà pourquoi il nous faut sans cesse revenir à l’Écriture qui nous invite à connaître Celui qui est l’inconnaissable par essence. Finalement seul Dieu parle bien de Dieu et l’Écriture se fait le réceptacle de l’expérience inouïe des hommes qui, à travers l’épaisseur de l’histoire, découvrent comment Dieu est totale effusion de soi, parfait échange et communication de son intimité pour que nous accédions à la communion de son amour.

 « Le Seigneur m’a fait pour lui au commencement de son action, avant ses œuvres les plus anciennes » (Proverbes 8,22).

Le Livre des Proverbes lu en ce dimanche fait parler la Sagesse divine à la première personne. Elle énonce sa préexistence et sa présence familière tout au long de l’œuvre créatrice. Si l’on ajoute  les expressions de Parole et de Souffle, nous découvrons combien les Ecritures de la première alliance dessinent déjà le visage pluriel du Dieu unique. L’Esprit se singularise dans le surgissement à la vie de l’univers sorti du néant. La Parole se présente comme l’agent efficace de l’épopée créatrice ainsi que de l’histoire du Salut. Ainsi les Apôtres sont-ils déjà préparés par leur foi à entrer dans la nouveauté radicale que le Christ leur propose : une plénitude de vie divine dans une pluralité que les mots humains vont désormais nommer à la suite de Jésus : « Père, Fils et Esprit ». C’est à la communion de leur unique amour que nous sommes appelés. Telle est à jamais notre Bienheureuse Espérance.

 « L’Espérance ne trompe pas puisque l’Amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Romains 5,5).

Par le Christ, Parole de Dieu faite chair, par l’Esprit, Sagesse infusée en nos cœurs, le « non Dieu » que nous sommes est en route pour l’accession à la gloire de Dieu, ce que les Pères de l’Eglise nommaient la Divinisation. Mais cette transformation n’est possible que parce Dieu est en lui-même « relations subsistantes » selon l’expression du grand Thomas d’Aquin. L’unité divine est faite de ces relations où le Père, le Fils et l’Esprit échangent l’amour qui donne la Vie. Accueillons ce don suprême à travers le mystère pascal actualisé dans les sacrements de l’Eglise. C’est ainsi que se forme l’unité des enfants de Dieu. Comme l’écrit saint Paul : « Notre orgueil à nous, c’est d’espérer avoir part à la gloire de Dieu » (Romains 5,2).


Dimanche 23 Mai  La Pentecôte  [Lectures : Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16.23b-26 ]

L’ESPRIT POUR ETRE FILS

 « C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » (Romains 8,16).

Le dessein créateur de Dieu est de nous faire accéder au bonheur de sa vie intime, celle que l’Esprit manifeste comme don de l’amour du Père au Fils et du Fils au Père. Eternel mouvement d’amour entre le Père et Fils, Il ne veut rien retenir de ce qu’Il a reçu et n’a pas d’autre désir que de restaurer en nous les attitudes filiales que le Fils a lui-même vécues en son humanité.

Toute son œuvre est de nous donner d’être des fils capables de reconnaître leur origine : le Père. Mesurons-nous l’extraordinaire don qui nous est ainsi fait : pouvoir, comme Jésus nous l’a enseigné, dire « Abba » à celui qui est sans origine et est la source de l’Etre et de la vie ?

Cela ne serait pas possible sans notre conaturalité  avec le Christ.

La mission du Fils était d’inscrire dans l’humanité la Bonne Nouvelle du Salut. Désormais, par le don de l’Esprit, l’Eglise a reçu cette même mission. De même que les Apôtres avaient été poussés par le souffle de la Pentecôte vers les eaux profondes de l’humanité en attente, de même sommes-nous poussés à la même mission, celle de constituer dans l’amour le peuple des fils de Dieu.

 « Or vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous » (Romains 8,9).

Pour réaliser cette mission et remplir ainsi notre vocation de fils de Dieu, il nous faut tout d’abord prendre conscience de la présence en  nous de Celui qui échappe à toute saisie conceptuelle.

Si le Père a un nom que l’Esprit peut nous faire invoquer à la suite du Christ, si le Fils a un visage d’homme que nous contemplons en Jésus de Nazareth, l’Esprit ne peut, quant à lui, être approché qu’au travers d’une multiplicité d’images qui peuvent nous faire comprendre son  essence et sa mission : souffle donateur de vie, puissance de résurrection, acteur de notre rénovation pour devenir demeure de Dieu. Plus intérieur à nous-mêmes que nous-mêmes comme l’écrivait la Bienheureuse Marie Bénédicte de la Croix, Edith Stein - morte martyre à Auschwitz, il nous rend capables de devenir en vérité l’image de Dieu, animés des mœurs mêmes de Dieu qui est amour.

 « Tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps » (1 Corinthiens 12,13).

En restaurant en nous les attitudes filiales à l’égard du Père, l’Esprit crée par là-même un peuple de frères. Antithèse de Babel, la Pentecôte est l’acte de naissance de la communion des hommes dans l’Esprit Saint. Babel est l’archétype de tous les totalitarismes meurtriers qui ont ensanglanté l’humanité. La Pentecôte est au contraire la conjugaison  harmonieuse des diversités. « Inscrite au fond des cœurs » (Jérémie 31,33), la loi d’amour peut jaillir de ces cœurs « comme des fleuves d’eau vive » (Jean 7,38).

Puissions-nous ne pas faire obstacle à ce jaillissement qui crée le peuple unique du Dieu unique à l’image de la  communion des personnes divines.


Dimanche 16 Mai  7ème dimanche de Pâques  [Lectures :Ac 7, 55-60 ; Ps 96 ; Ap 22, 12-14.16-20 ;Jn 17, 20-26 ]

L’IMPERATIF DE L’UNITE

 « Que tous, ils soient UN, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi » (Jean 17,21).

Au terme du temps pascal, il nous est proposé de revenir sur la grande prière du Christ avant l’entrée dans sa Passion.

Elle comporte en effet ce qui constitue l’expression du dessein divin : l’unité des disciples en vue de la réalisation de l’unité définitive de l’humanité dans le Royaume.

C’est là un enjeu que nous négligeons trop souvent. Le dessein créateur de Dieu est bien d’associer l’homme à son bonheur. La finalité de notre existence, déjà exprimée la semaine dernière par le thème de la Demeure, est la communion divine. « Etre comme Dieu » ne peut s’accomplir par la défiance, la jalousie, l’envie représentées par le péché des origines, mais par l’accueil, la réception d’un don d’autant plus précieux qu’il est Dieu lui-même.

Etienne, premier martyr, en est une illustration frappante. En confessant sa foi en Jésus, « Fils de l’homme, debout à la droite de Dieu » (Actes 7,58), il rend témoignage à la réussite du dessein divin : Etre UN, à l’image de l’unique Dieu qui est Père, Fils, et Saint Esprit.

 « Qu’ils soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jean 17,21).

Dans sa prière, le Christ insiste sur la nécessité de « connaître », de « reconnaître » son identité de Sauveur. Celle-ci suppose la constante union avec Celui qui est la Source, l’inspirateur de son action rédemptrice : le Père. En voyant Jésus accomplir ses œuvres, nous pouvons croire que Dieu l’a envoyé pour le salut du monde.

Les disciples ont su accéder à cette connaissance mais beaucoup sont restés hostiles ou indifférents. Aujourd’hui, comment accéder à une telle connaissance alors que le signe visible n’est plus parmi nous ? Jésus indique la voie nouvelle « pour que le monde croie ». C’est l’unité du Corps du Christ qui est l’Eglise. Par son unité, l’Eglise appelle les hommes à quitter la multiplicité éclatée par le péché pour vivre une multiplicité unifiée dans l’amour. C’est ce que la Pentecôte va nous rappeler. L’humanité sera unifiée dans la foi au Dieu unique par la reconnaissance de Celui qui est venu vivre son unité avec le Père au cœur de notre condition humaine blessée par le péché. A l’Eglise d’en être le signe et le témoin.

 « Je leur ferai connaître ton nom, et je le ferai connaître encore : pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé, et que moi aussi, je sois en eux » (Jean 17,26).

Les résistances, les obstacles à l’unité sont toujours actuels. L’histoire des Chrétiens en est douloureusement marquée. Nous sommes toujours dans l’incapacité de répondre au désir de Dieu qui est d’aimer comme Il nous aime. Par sa Passion et sa Mort, le Christ a assumé cette terrible défiance qui s’oppose à la volonté d’unité de Dieu.

Mais notre chance est l’amour donné sur la Croix, l’unité maintenue avec le Père et les frères. La victoire pascale nous place dans l’espérance. « Viens ! Amen ! Viens Seigneur Jésus ! » est le cri lancé par l’Eglise à son Seigneur. Convertissons-nous et accueillons avec foi ce don de l’unité qui est communion d’amour.

Désirons intensément cette unité comme « l’eau de la vie ». Elle nous est donnée gratuitement. (Apocalypse 22,17).


 Dimanche 9 Mai -  6ème dimanche de Pâques  [Lectures : Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29 ]

 LA NOUVELLE DEMEURE

« … Il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu » (Apocalypse 21,10).

Tout au long de la Révélation biblique n’a cessé de se poser la question de savoir où trouver Dieu. Les tentatives humaines de réponses ont été vouées à l’échec, à commencer par l’institution la plus vénérée d’Israël : le Temple. Peu à peu la véritable réponse est apparue : Tout Autre, Dieu ne se trouve pas en lui fixant un lieu. Venant d’ailleurs que de nous-mêmes, Il vient se faire le même que nous, en toute chose excepté le péché.

Le croyant de l’Apocalypse l’exprime à sa manière. La nouvelle demeure vient bien du Ciel mais elle a aussi des fondations terrestres. Demeure de l’Alliance nouvelle, elle est indissolublement liée à la première alliance. Les Douze tribus d’Israël y sont à jamais présentes comme des portes toujours ouvertes. Les Douze Apôtres en assurent les fondations.

Entrer dans la demeure, c’est entrer dans l’expérience de la Foi qui nous vient des Apôtres, eux qui ont vécu l’accomplissement des prophéties. L’Eglise, nouvelle demeure, doit pour être fidèle à la Parole et à l’Esprit qui la font vivre déployer dans le temps et l’espace sa catholicité, son apostolicité.

 « L’Esprit Saint et nous –mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent … » (Actes 15,28).

Le récit des Actes des Apôtres nous rapporte les conclusions de ce qu’il est convenu d’appeler le premier Concile de Jérusalem. C’est une ecclésiologie en acte : les croyants, constitués en Corps, sont la demeure de Dieu où parle l’Esprit Saint.

Loin de se réduire à quelques interdits archaïques, la décision apostolique manifeste au contraire l’universalité de l’enjeu.

Idolothites, sang, unions illégitimes renvoient certes à l’ancienne loi. Mais leur rejet signifie plus profondément la manière dont nous avons à devenir Demeure de Dieu. Il faut récuser toutes les forces idolâtriques qui affectent nos moeurs. C’est à une conversion radicale de nos manières d’être et d’agir que nous sommes invités. Idole, sexualité, sang, expriment la violence qui corrompt les rapports humains.

L’Eglise a désormais pour mission de porter la Paix afin que puisse advenir la demeure définitive selon le cœur de Dieu, la demeure de l’Amour.

 « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui » (Jean 14,23).

Le Christ, dans son discours d’Adieu à ses disciples avant sa Pâques, exprime ainsi clairement le dessein du Père. La nouvelle demeure est en finale cette inhabitation réciproque de Dieu et de l’homme : Dieu en nous et nous en Dieu. C’est par le Christ que nous pouvons avoir accès à cette demeure. Il nous faut, souligne Jésus, être fidèles à sa Parole. L’Esprit Saint, qualifié par le Christ lui-même de Défenseur, est l’agent de cette transformation. Déjà les Prophètes l’avaient pressenti : « … Je mettrai en vous mon esprit : alors vous suivrez mes lois, vous observerez mes commandements et vous y serez fidèles » (Ezéchiel 34,27). Laissons-nous saisir par Lui afin de devenir la Demeure de Paix et d’Amour que Dieu veut habiter avec nos frères.


Dimanche 2 Mai    5ème dimanche de Pâques  [Lectures : Ac 14,21b27 ; Ps 144 ; Ap 21,1-5a ; Jn13, 31-33a.34-35 ]

COMMANDEMENT NOUVEAU POUR VIE NOUVELLE

 « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21,5).

 Cette phrase que rapporte le voyant de l’Apocalypse synthétise magnifiquement la novation radicale intervenue dans l'humanité par la Résurrection du Christ. Evoquant un ciel nouveau, une terre nouvelle, il montre que cette nouveauté déborde notre horizon, transforme notre univers, tant nos relations interpersonnelles que celles qui nous relient au monde qui nous environne.

 L'Eglise naissante, dont les Actes de Apôtres relatent les premiers pas, est déjà le déploiement de cette transformation : émergence des communautés, institution des anciens, précurseurs des prêtres et des évêques, ouverture de la « Porte de la Foi » aux nations païennes. (Actes 14,27). Le mystère pascal qui s'inscrit ainsi dans l'histoire est passage au monde nouveau : une proximité de Dieu, mieux encore une intimité nouée avec l'homme par le Christ Ressuscité, Demeure de Dieu parmi les hommes (Apocalypses 21,2‑3).

 C'est dans cette demeure que nous sommes invités, demeure de l’Amour, Jérusalem nouvelle, le lieu de la sanctification, de la glorification.

 « Maintenant le Fils de l’Homme est glorifié, et Dieu est glorifié en Lui » (Jean 13,31).

 Au cours de l’Assemblée paroissiale qui s’était tenue au seuil de lAvent, nous avions pu réfléchir sur l'expression difficile de la «gloire ». «Rendre gloire à Dieu » c'est tout simplement proclamer la vérité de l’être même de Dieu qui manifeste qu’IL EST Amour. La Pâque du Christ met en pleine lumière cette vérité qui confond le mensonge dont l'homme est devenu l'esclave. Loin d'être le Dieu jaloux et avaricieux de nos caricatures, le Père est Celui qui aime jusqu'à accepter de perdre Celui qui est la raison de son Amour. Dans le don de sa vie, de son corps, de son sang, Jésus révèle pleinement son unité d'amour avec son Père, unité que rien ne peut distendre.

 Ainsi le mystère pascal dévoile‑t-il l'unité essentielle de la volonté d'aimer des personnes divines, l'unité de leur commune nature, de leur manière d'être Dieu : l'amour qui nous permet d'être associés à la gloire du Père, du Fils et de l’Esprit.

 « Je vous donne un commandement nouveau – c’est de vous aimer les uns les autres » (Jean 13,34).

 Cet amour est la puissance de transformation qui permet la venue du monde nouveau. Au monde ancien, loi ancienne. Au monde nouveau, loi nouvelle, celle de l'amour. Par lui nous naissons à Dieu dans une humanité transfigurée par la Pâque du Christ, capable de devenir l’image et la ressemblance du Dieu Trinité.

 C'est dans l'Eglise que le disciple peut puiser à la source de l’Amour pour devenir aussi revêtu de la gloire « « Ce qui montrera à tous les 17ommeç que vous êtes mes dIscIples, c’est 1’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jean 13,35)

 C'est «maintenant» qu'il nous est demandé de vivre ce commandement pour qu’advienne le Règne de Dieu, celui de l'Alliance nouvelle et éternelle.


Dimanche 25 avril   4ème dimanche de Pâques  [Lectures Ac 13, 14.43-52 Ps 99 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30 ]

L'AGNEAU-BERGER

 « L Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur Pasteur pour les conduire vers les eaux de la source de la Vie » (Apocalypse 7,17).

 Les images de l’Apocalypse et la tonalité pastorale de l'Evangile de ce quatrième dimanche pascal nous disent ce qui est au coeur du message évangélique : Dieu réussît aujourd’hui ce qu il a entrepris. Ce qui a été marqué du sceau de la souffrance est appelé à connaître la vie de Bonheur sans fin.

 Notre espérance est fondée sur Celui qui, agneau immolé, est aussi le Pasteur victorieux. Au coeur de son histoire, l'humanité est affrontée à la « faim, soif et brûlure du soleil » (Apocalypse 7,16), M a i s d a n s 1 "Ag n ea u immolé elle a part à sa victoire et peut ainsi accéder à la vie d'où les larmes seront taries à jamais, (id v.17). Telle est l'extraordinaire nouveauté introduite par la Résurrection du Christ au coeur de l'histoire humaine.

 «Je suis le Don Pasteur, le vrai berger ... Mes brebis écoutent ma voix. Je leur donne la vie éternelle » (Jean 10, 11 ‑27‑28

 Reprenant l'antique titre biblique, le Christ affirme clairement et sa vocation messianique et son identité divine. Dieu seul est en effet le berger qui « conduit son peuple, pousse au désert le troupeau, le guide, le défend, le rassure (Psaume 77,52‑53). Mais Jésus opère néanmoins un changement majeur. « Vrai berger»,, le Christ l'est parce qu’ Il est Dieu. En lui le pasteur se fait ;agneau immolé. Le sang de l’agneau de l’Exode des Hébreux avait permis la sortie de l'esclavage. Le sang de l'agneau‑pasteur qu'est le Christ ouvre les portes du Royaume. A la suite de Thomas pardonné de son incrédulité, à la suite de Pierre confessant son amour défaillant, nous sommes invités à entrer dans une relation personnelle qui, nous unissant au Fils, nous unit aussi au Père dans le don de l'Esprit Saint.

 Telle est l'oeuvre de la charité divine qui veut nous faire partager le bonheur de la communion des trois personnes divines.

 « Personne ne peut rien arracher de la main au Père. Le Père et moi nous sommes un » (Jean 10,29‑30).

 Pâque est le triomphe de la puissance unificatrice de l'amour sur toutes les forces de néantisation à l’oeuvre dans la Création. Dans son humanité ressuscitée, le Christ offre à notre humanité encore mortelle de pouvoir trouver le chemin du retour au Père, jadis perdu. La main du Père dont rien ne peut nous arracher ‑ celle du Christ qui nous ressaisit dans la mort comme le soulignent magnifiquement les icônes orientales de la Descente du Christ aux Enfers. Elle est aussi celle de l'Esprit qui, dans et par l’Eglise, nous greffe sur le corps du Ressuscité. Ainsi se constitue « la foule immense que nul ne peut dénombrer » (Apocalypse 7,9).

Grâce en soit rendue à l’ Agneau‑Pasteur, notre vie, notre unité.


Dimanche 18 avril 3ème dimanche de Pâques Ac 5, 27b-32.40b-41 ;  Ps 29,; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19]

TEMOINS DE LA RESURRECTION

 « Quant à nous, nous sommes témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent » (Actes 5,32).

Précieux témoignage apostolique ! Il montre avec conviction le déploiement de la puissance de la Résurrection du Christ à travers les tribulations de l’Eglise naissante, encore fragile mais enthousiaste de découvrir la vie nouvelle qui anime ses membres. La nouveauté inaugurée par la Pâque du Christ est à l’œuvre. Au tribunal des hommes s’est substitué celui de Dieu où la seule sanction est celle de l’amour qui fait apparaître la vérité dans toute sa clarté : « Le Dieu de vos Pères a ressuscité Jésus que vous aviez exécuté. C’est lui que Dieu, par sa puissance, a élevé en faisant de lui le chef, le Sauveur pour apporter à Israël la conversion et le pardon des péchés » (Actes 5,30-31).

Ce dont témoignent les Apôtres, au péril de leur vie, c’est que Celui qui est le premier, s’étant fait le dernier, entraîne dans sa victoire les derniers que nous sommes. Conversion et pardon des péchés sont l’œuvre de l’amour. C’est ce qui s’est passé au petit matin au bord du lac de Galilée.

 « Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui » (Jean 21,4).

C’est à un recommencement que nous assistons. A la fois reprise de tout ce qui a été vécu, mais aussi transformation sous l’effet de la Pâque. La nuit à la pêche inféconde rappelle les débuts évangéliques (Luc 5 notamment). Mais elle évoque surtout « la nuit qui approche, et personne ne pourra agir » (Jean 9,4). La nudité de Pierre évoque celle de l’Adam pécheur après la chute. La question du Christ « avez-vous quelque chose à manger ? » (Id v 5)) renvoie les Apôtres à leur impuissance lors de la multiplication des pains. (Jean 6).

En quelques instants le Christ fait parcourir toute l’histoire du Salut pour déboucher sur une nouvelle Cène, celle d’après la Résurrection, comme une nouvelle multiplication des pains et des poissons par laquelle l’Eglise est conviée à nourrir l’humanité de la seule nourriture qui importe : « Le vivant à jamais, … l’agneau immolé… » à qui reviennent « bénédiction, honneur, gloire et domination pour les siècles des siècles » (Apocalypse 5,13).

 « Sois le berger de mes brebis… suis moi » (Jean 21,15…19).

En trois interrogations, le Christ ressuscité fait parcourir à Pierre tout l’itinéraire qui conduit de la prise de conscience de la condition pécheresse  à la lumière de l’amour révélé. Pâque est la fête du pardon accordé sur la Croix. Aussi Pierre peut-il entrer dans sa nouveauté. Celui qui était nu est désormais revêtu de la dignité sacerdotale, apanage de l’unique prêtre et pasteur, le Christ. Il peut reprendre la route du disciple définie par le Christ en Matthieu : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (16,24). C’est la route de l’Esprit qu’il nous faut emprunter afin que la Pâque s’inscrive en nos vies et nous fasse accéder à notre condition filiale, la nouveauté pascale dont nous devons être les témoins auprès de nos frères.


Dimanche 11 avril  2ème dimanche de Pâques de la Divine Miséricorde
                                                              
[Lectures
:Ac 5, 12-16 ; Ps 117 ; Ap 1, 9-11a.12-13.17-19 ; Jn 20, 19-31 ]

 CROIRE SANS VOIR

 « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jean 20,29).

L’événement qui a changé définitivement le sens de l’histoire humaine, la Pâque du Christ, demeure paradoxalement le plus méconnu de ceux qui en sont pourtant les bénéficiaires : les hommes eux-mêmes !

Nous demeurons en quelque sorte les « jumeaux » de l’Apôtre Thomas qui a refusé d’accueillir le soir de Pâques, le témoignage de ses frères : « Nous avons vu le Seigneur » (Jean 20,25), nous sommes comme bloqués  par la souffrance et la mort qui bornent notre horizon. Ce sont pourtant elles que vient volatiliser la puissance de vie manifestée dans la Résurrection du Christ.

C’est cette expérience que l’Eglise naissante a faite. Les signes et les prodiges accomplis par la main des Apôtres (Actes 5,12) viennent du Ressuscité qui donne à ses disciples de dispenser à leur tour les gestes messianiques du Salut.

Aujourd’hui, il nous est demandé de « croire sans voir », parce que la Parole est à jamais vivante dans les signes nouveaux que l’Eglise nous donne : les Sacrements du Salut.

 « Avance ton doigt ici et vois mes mains, avance ta main et mets la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jean 20,27).

Comme l’Adam primordial incrédule devant la promesse du Bonheur et de vie, comme Israël au désert manifestant sa défiance à l’égard de la Parole divine, Thomas veut éprouver le Christ et exige de lui des preuves. Tentation satanique qui aurait dû le conduire aux portes de la mort ! Mais Celui qui proclame « sois sans crainte, je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant, j’étais mort mais me voici vivant pour les siècles des siècles » (Apocalypse 1,17-18) ressaisit l’incrédule à travers le pardon déjà donné sur la croix.

Aussi Thomas peut-il passer du geste inquisiteur à l’acte d’Adoration : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 20,28). Ainsi s’ouvre pour nous le temps du croire sans voir.

 « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20,21).

Le corps ressuscité du Christ est communication plénière de vie et d’amour. Il se constitue un corps nouveau, celui des croyants greffés sur lui par le don de l’Esprit. Les disciples sont à jamais indissociablement liés au Christ Ressuscité. Celui-ci déploie désormais son œuvre rédemptrice à travers leur apostolat par le don des Sacrements.

Parole vivante qui remet le péché, l’obstacle à la réalisation du dessein divin du Bonheur, le Christ est réellement et efficacement présent dans les sacrements de la Résurrection. Dans l’Eglise, puisons en eux la force de l’amour qui unit selon la communion trinitaire et vivons la béatitude de « ceux qui croient sans avoir vu ».


Dimanche 4 avril : Dimanche de Pâques           [Lectures : Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117 ; Col 3, 1-4;  Séquence ; Jn 20, 1-9]

LA PAQUE DU SEIGNEUR ou LE PASSAGE A UNE VIE NOUVELLE

 « Tendez vers les réalités d’en-Haut et non pas vers celles de la terre. (Colossiens 3,2. Messe du Jour de Pâques)

Au cours de la nuit pascale, l’Eglise s’est recueillie dans la Mémoire de l’œuvre du Salut patiemment menée par Dieu au cours des siècles de Révélation jusqu’à son accomplissement inouïe : la mort a été engloutie par la vie. Cette nouvelle incommensurable est toujours à reprendre et à méditer. Oui, Dieu est vainqueur par amour de tout ce qui conduisait notre humanité et l’univers tout entier à la  mort, au néant. Aussi l’Apôtre Paul peut-il nous inciter à ne pas nous laisser séduire par les faux-semblants de ce monde mais à nous tourner vers cette réalité nouvelle que Dieu lui-même nous donne : la vie qui est désormais celle du Ressuscité en son Corps de gloire.

Certes notre univers demeure marqué par la souffrance et par la mort. La nouveauté inouïe que nous célébrons n’abolit pas encore ce que cette création comporte toujours de souffrance et de mort. Mais le Ressuscité y inscrit aujourd’hui comme il y a 2000 ans et jusqu’à la fin des temps la puissance vivifiante et transformante afin que « morts au péché, nous soyons vivants pour Dieu en Jésus-Christ » (Romains 6,11).

 « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité » (Luc 24,6 –Evangile de la nuit pascale).

Le tombeau est vide de toute trace de mort. Telle est l’expérience des premiers témoins : les femmes qui s’étaient rendues de grand matin au sépulcre. C’est aussi celle de Simon-Pierre et de Jean qui « vit et crut » (Jean 20,8).

Ressuscité en son humanité, le Verbe créateur, la Parole vivante, le Christ est à jamais alpha et oméga. Commencement de toute chose puisqu’il devient intérieur à toute réalité créée afin de la porter à sa fin. Celle-ci nous échappe encore, comme nous échappe l’origine primordiale qui est Dieu lui-même source de vie et d’amour.

Mais cette origine et cette fin nous sont pourtant données en Celui qui, venu vivre parmi nous l’amour de Dieu, accomplit la promesse originelle d’être son image et sa ressemblance (Genèse 1,26). Voilà pourquoi Paul nous invite à l’espérance : « quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Colossiens 3,4).

 « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui » (Romains 6,8. Messe de la nuit pascale).

Il serait inconséquent de croire en Dieu, si cette foi n’était pas confiance en Celui qui nous ressaisit totalement de ce qui devait être notre anéantissement. Comme les Apôtres déconcertés, le chrétien est soumis à l’épreuve de la foi. Nous nous accrochons à de pauvres évidences qui nous masquent ce qui est pourtant l’unique essentiel : Dieu veut notre bonheur, notre réussite. Cette défiance, le Christ l’a acceptée et l’a surmontée. Désormais sa puissance de vie est à l’œuvre en nous. Faisons nôtre le chant du psalmiste : « le Dieu qui est le nôtre est le Dieu des victoires et les portes de la mort sont à Dieu, le Seigneur » (Psaume 67,21).

O nuit, de quel éclat tu resplendis !
La mort n’a pu garder dans son étreinte
Le Fils unique.
Jésus repousse l’ombre
Et sort vainqueur :
Christ est ressuscité !
Mais c’est en secret,
Et Dieu seul connaît
L’instant
Où triomphe la vie.

 

Quelqu’un près de la croix, n’a pas douté ;
La Femme jusqu’au jour a porté seule
L’espoir du monde.
Sa foi devance l’heure
Et sait déjà :
 Christ est ressuscité !
Mais c’est en secret,
Et Dieu seul connaît
La joie
Dont tressaille Marie.

 

Jésus, lumière et vie, demeure en nous !
Pourquoi aller chercher encore au tombeau vide
Un autre signe ?
L’amour jaillit et chante
Au fond du cœur :
Christ est ressuscité !
 Mais c’est en secret,
Et Dieu seul connaît
Le feu

Qui s’éveille aujourd’hui


Dimanche 28 Mars -Dimanche des Rameaux et de la Passion - 
                                                
[Lectures: Lc 19, 28-40 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2, 6-11 ;Lc 22, 14-71; 23, 1-16.18-56

LA GLOIRE PAR LA CROIX

 « Pour nous, le Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Verset de l’acclamation de la Passion).

La belle liturgie de l’entrée dans la Semaine Sainte juxtapose en un saisissant contraste les événements qui constituent la trame du Mystère pascal que nous allons revivre au cours de ces jours.

Avec les Rameaux, c’est-à-dire l’entrée de Jésus à Jérusalem tel le Roi-Messie, nous assistons à l’accueil enthousiaste de la foule des disciples qui « remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus » (Luc 19,37).

Avec la Passion, c’est au contraire au rejet, à l’exclusion et finalement au meurtre que nous sommes confrontés.

La gloire de Jésus n’est pas d’entrer à Jérusalem pour prendre le pouvoir à la manière humaine, la gloire de Jésus c’est d’être le serviteur souffrant chanté par Isaïe : « Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient… Je sais que je ne serai pas confondu » (Isaïe 50,5…7)

La gloire de Jésus c’est de se laisser clouer sur la Croix afin d’être avec amour « Dieu-avec-nous » et de porter dans sa souffrance toutes nos souffrances, nos détresses jusqu’à la mort.

La gloire de Jésus c’est l’amour qui vient nous saisir et nous sauver jusqu’au plus extrême de notre malheur.

La gloire de Jésus c’est de révéler sur la Croix la vérité de Dieu et la vérité de l’homme. Vérité de Dieu qui se laisse imposer par l’homme la plus extrême ignominie et donne son pardon à tous ceux qui le rejettent dans son Fils, mais aussi dans leurs frères humiliés, oppressés, assassinés au cours des siècles. Vérité de l’homme appelé à aimer même ses ennemis.

La gloire du Christ est désormais cette croix d’infamie que nous lui dressons pour qu’Il en fasse le trône de gloire. Elle est bien le lieu du  pouvoir, mais non plus de celui qui contraint et qui tue, mais de celui qui libère et fait vivre.

« Jésus-Christ est le Seigneur, pour la gloire du Père » (Philippiens 2,11).


Dimanche 21 Mars - 5ème dimanche  de Carême  [Lectures:  Is 43, 16-21 ; PS 125 ; Ph 3 8-14 ; Jn 8 1,1 ]

ETRE JUSTE DANS LE CHRIST

 « A cause du Christ, j'ai tout perdu ; je considère tout comme des balayures, en vue d'un seul avantage, le Christ, en qui Dieu me reconnaît comme juste » (Philippe 3,8‑9).

 Comme bien souvent, saint Paul nous offre à travers son expérience de converti la meilleure entrée dans la compréhension de l'action rédemptrice du Christ. Celui que son passé de « zélé selon la loi » situait du côté des accusateurs de l'Evangile, a fait l'expérience brûlante de la justice qui vient de Dieu et qui transforme l'homme pécheur en homme justifié par la foi au Christ. Il s'agit « d'éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion ». Pour ce faire, un chemin doit être parcouru. La conversion est de tous les instants de la vie. « Je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout ». Mais « une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là‑haut dans le Christ Jésus » (Phîlippiens 3, 10 ... 14).

 Ainsi l'Apôtre nous invite‑t‑il à faire nous aussi cette expérience déjà annoncée par le Prophète : « Ne vous souvenez plus d'autrefois, ne songez plus au passé. Voici quejefais un monde nouveau » (Isaïe 43,18‑19).

 « Maître, dans la loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi qu en dis-tu ? ... Mais Jésus s'était baissé, et, du doigt il traçait des traits sur le sol » (Jean 8,5‑6).

 La femme n'est qu'un prétexte. Il s'agit en fait d'enfermer Jésus dans un piège mortel. Ou bien il approuve l'interprétation mortifère d'une loi hypocritement tronquée et pactise ainsi avec l'injustice, ruinant sa réputation de miséricordieux. Ou bien il se refuse de condamner et se place dans la situation du transgresseur de la loi devenant coupable de mort ! Celle-ci aura ainsi toujours le dernier mot soit par manque d'amour, soit par excès d'amour ! Le divin pédagogue retourne bien sûr le piège mais pour désenchaîner chacun de son poids de mort. Penché sur le sol poussiéreux de notre humanité pécheresse vouée à la mort, le Fils de Dieu y inscrit la loi nouvelle, celle qui ouvre l'issue vers la vie, celle qui fait surgir par amour l'homme ‑ici la femme ‑justifié.

 « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais ne pêche plus » (Jean 8,1‑1).

 Non ! la loi de Dieu n'a jamais été donnée pour que la mort s'ensuive ! Elle n'a pas d'autre but que de conduire l'homme à la liberté et à la vie. C'est le coeur endurci, lecoeur de pierre, qui en dévie le sens. Renvoyés à leur propre injustice, les injustes ne peuvent que quitter le lieu où se tient le seul Juste, le seul habilité à lancer la première pierre mais qui renonce au châtiment. Comme le commente l'Apôtre Paul : « Il a détruit le péché dans l'homme charnel » (Romains 8,3). C'est en assumant notre mort de pécheurs, que le Christ ouvre le chemin de la vie. Saint Paul nous propose de le suivre: « reproduire en moi sa mort dans l'espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d'entre les morts » (Philippiens 3,11‑12).


Dimanche 14 Mars : 4ème dimanche de carême  [Lectures: Jos 5, 10-12 ; Ps 33 ; 2 CO5, 17-21; Lc 15, 1-3. 11-12]

LE MINISTERE DE LA RECONCILIATION

 « Il nous a réconciliés avec lui, par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation » (2 Corinthiens 5,18).

Nous ne dirons jamais assez combien est essentiel, vital, le ministère de la réconciliation. Toute l’histoire de la Révélation n’est pas autre chose que l’expression obstinée de la volonté divine de nous voir rétablis dans notre dignité de fils dont le péché nous a éloignés.

Saint Paul le souligne avec insistance car il en a fait lui-même la brûlante expérience, tel le fils cadet de la parabole lue en ce jour. Ce à quoi nous devons aspirer du plus profond de nous-mêmes, c’est « être en Jésus-Christ » et ainsi « être une créature nouvelle » (id.v.17).

L’Eglise n’a jamais cessé d’œuvrer en ce sens. Elle n’est, comme le souligne l’Apôtre, que « l’ambassadeur » par qui le Christ adresse au nom du Père l’appel urgent : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (id.v.20). Le saint Curé d’Ars, dont nous allons bientôt visiter la châsse pour y prier, a voué quasiment toute sa vie à ce ministère tant il avait compris qu’il était la clef d’accès au monde nouveau, celui de la liberté des fils de Dieu.

Aucun d’entre nous ne peut se dispenser de se laisser atteindre par ce don précieux de Dieu : son amour même qui donne vie.

 « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et il mange avec eux » (Luc 15,2).

En ouvrant le chapitre de son Evangile sur le pardon, saint Luc met bien en lumière l’un des blocages les plus dangereux qui nous empêche d’évoluer vers notre condition de fils aimés. Sans toujours nous l’avouer, nous pensons que la miséricorde ne peut être que sélective. C’est l’une des leçons à retenir de la parabole des deux fils. A l’instar du fils aîné qui pense avoir été un parfait observant de la Loi, nous excluons ceux qui, comme le fils cadet, nous paraissent s’en être détournés. En contant cette parabole, le Christ veut mettre au jour le mécanisme de l’exclusion qui a son origine dans le péché d’envie-jalousie qui parcourt toute l’histoire du salut, de Caïn et Abel jusqu’à Jésus et Juda. C’est bien au nom de cette loi que le Christ sera condamné et exclu de la communauté de vie et de foi des enfants d’Israël. Au fond, nous refusons de voir que tout ce que nous sommes est don de Dieu et nous nous érigeons en idole, source d’aliénation et de mort.

 « … Si quelqu’un est en Jésus Christ, il est une créature nouvelle » (2 Corinthiens 5,17).

Cette aliénation le Christ l’illustre par la figure du fils cadet. Il arrache au Père sa part d’héritage comme Adam a voulu arracher à Dieu d’être « comme Dieu » ! Le Père accepte cette dépossession. Nié en ce qu’Il est  - Père – il demeure pourtant fidèle à ce qu’Il est, provoquant ainsi le retour du fils exilé. C’est l’annonce de la victoire pascale. Par le pardon donné, ce qui était mort est désormais vivant.

En ce dimanche de « Laetare », accueillons la joie de ce pardon qui, en chaque eucharistie, en chaque sacrement de réconciliation nous fait accéder toujours plus en Jésus-Christ à notre condition de « créature nouvelle ».


Dimanche 7 Mars : 3ème dimanche de carême - [Lectures: Ex 3, 1-8a.10.13-15 ;  Ps 102 ;1Co 10, 1-6.10-12 ; Lc 13, 1-9 ]

PATIENCE ET MISERICORDE DIVINES

 « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». (Psaume 102,8).

Textes étonnants que ceux proposés pour cette troisième étape de Carême !

Ils semblent souffler « le froid et le chaud » et peuvent nous déconcerter à bien des égards. Que ce soit Paul dans son commentaire des épisodes de l’Exode, que ce soit le Christ rebondissant sur des faits divers tragiques de l’actualité de son temps, les propos tenus sont austères et rudes. Pris à contre sens, ils peuvent raviver les images désastreuses pour la foi d’un Dieu vindicatif et punisseur.

Saint Paul n’indique-t-il pas aux Corinthiens de faire leur la leçon tirée de l’Ecriture rappelant l’extermination des Hébreux aux désert comme conséquence de leur rébellion contre Dieu ? Jésus ne met-il pas en garde ses auditeurs devant l’urgence de la conversion sinon « vous périrez comme eux ? ».

En fait ce qui est en jeu, c’est la conception que nous avons de notre propre responsabilité dans le cours des choses de ce monde ainsi que le refus de croire que Dieu veut notre bonheur comme le souligne le psalmiste. Aller à l’encontre de la volonté divine, c’est aller contre notre propre bien. L’orientation négative de notre liberté crée un obstacle pour Dieu qui veut nous faire ETRE, car IL EST. Au lieu de devenir image et ressemblance du Dieu de vie, nous nous faisons image et ressemblance de notre propre mort. Mais Dieu lui est « tendresse et pitié. ». « Fort est son amour pour qui le craint » (Psaume 102,8-9).

 « Je suis celui qui suis … » (Exode 3,14)

Dieu est fidèle à ce qu’il EST. Rien ne peut l’empêcher d’être créateur. La Révélation qu’Il fait de lui-même à Moïse pose à la fois son absolue transcendance et son intervention dans l’histoire. Dieu des Pères, il est aussi le Dieu des fils qu’Il veut arracher à leur servitude. Apportant la fécondité de son Amour, il peut faire porter du fruit là où la mort a établi son règne. C’est ce que nous dit le Christ avec la parabole du figuier stérile. C’est la parabole de l’homme pécheur qui s’est placé délibérément en dehors de la vie. L’homme, en sa liberté, doit choisir de passer à Dieu, en accueillant Celui dont le nom est « Dieu sauve ».

 « Tous, ils ont bu à un rocher qui les accompagnait, et ce rocher c’était déjà le Christ » (1 Corinthiens 10,4).

Ce mouvement est celui de la Pâque. Les Hébreux peuvent bien tomber en nombre au désert, Israël entrera pourtant dans la Terre Promise. L’homme « figuier » peut être coupé, la mort pour autant n’aura pas le dernier mot. En effet cette mort que nous subissons devient la mort de Celui qui EST. Se faisant « figuier coupé », le Christ porte avec lui désormais la destinée des Galiléens massacrés, des hommes écrasés par la tour, de toutes les victimes, de tous les  bourreaux.  Il est désormais le passage à la Vie. C’est pourquoi la conversion est urgente. Il s’agit non pas seulement d’une attitude morale, mais plus encore de se tourner vers la source spirituelle, indissociable de notre humanité blessée par le péché, à laquelle tous peuvent puiser la vie. Nous en sommes sûrs, rien ne peut rompre l’Alliance nouvelle et éternelle scellée dans le sang du Fils.


Dimanche 28 Février: 2ème dimanche de carême - [Lectures: Gn 15, 5-12.17-18a ; Ps 26 ; Ph 3, 17-21; 4, 1 ; Lc 9, 28-36 ]

PAROLE DE GLOIRE

 « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? » (Psaume 26,1).

S’il y a bien un homme à qui s’applique ce verset du psaume, c’est Abraham. Arraché aux ténèbres de l’idolâtrie, sorti d’une existence vouée à la mort, le vieux patriarche a su mettre sa confiance en Celui qu’il ne connaissait pas et qui s’est révélé jour après jour, année après année, comme le Dieu de vie et d’amour. « Abraham eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur estima qu’il était juste » (Genèse 15,6).

Dans le très ancien rite d’alliance des tribus nomades, Dieu prend l’initiative. « Comme un brasier fumant et une torche enflammée » (id v17), Il passe dans l’offrande de l’homme pour la consommer dans un engagement sans retour et sans contrepartie. Il ouvre à l’homme le chemin de la postérité, du bonheur d’exister par la seule confiance en sa Parole.

Comme le souligne la prière d’ouverture de cette Messe : « Seigneur, fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin : et nous aurons un regard assez pur pour discerner ta gloire ».

 « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le » (Luc 9,35).

Cet engagement total de Dieu annoncé à Abraham, Jésus le donne à voir et à entendre aux trois Apôtres expressément choisis. Autrefois il fallait écouter Moïse, le législateur nimbé de la gloire de Dieu au Sinaï. Il fallait aussi écouter Elie, le prophète du feu divin, animé d’une ardeur jalouse pour son Dieu. Aujourd’hui il faut écouter Celui en qui retentit la Parole du Père, « reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de son être, qui porte toutes choses par sa Parole puissante » (Hébreux 1,3).

Elu dans la liberté de l’amour, la Parole incarnée, le Verbe fait chair, Lumière née de la lumière, vient signifier dans notre nature humaine la gloire de notre adoption divine qui fait de nous aussi des fils bien-aimés.

« Nous attendons comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer » (Philippiens 3,20-21).

Tout en révélant son être filial, le Christ fait apparaître la gloire à laquelle nous sommes appelés. La lumière de l’amour qui habite au plus intime de son être se diffuse sur notre condition pécheresse. De même qu’Abraham endormi ne pouvait être le partenaire actif de l’Alliance que Dieu seul réalise, de même les Apôtres «accablés de sommeil » (Luc 9,32) sont-ils passifs devant la révélation de la gloire divine. Nous aussi sommes dans l’attente de la révélation de la gloire des enfants de Dieu. Nos corps « humiliés » (Philippiens 3,21) sont appelés à être investis par l’Esprit qui les transformera en corps de gloire.

C’est par son exode à Jérusalem que le Christ nous fait sortir de notre tente mortelle pour nous introduire dans la Demeure de Gloire. Alors, comme Paul nous y exhorte, « tenons bons dans le Seigneur ».


Dimanche 21 Février: 1ème dimanche de carême - [Lectures:Dt 26, 4-10 ;Ps 90 ; Rm 10, 8-13 ; Lc 4, 1-13 ]

PAROLE POUR LE SALUT

« Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance » (acclamation de l’Evangile)

Une quarantaine nous est donnée pour nous replacer à l’origine de nous-mêmes, pour discerner à la lumière de la Parole de Vérité – le Christ – la vérité de nos comportements. Sont-ils vraiment conformes à notre vocation d’enfants de Dieu, inspirés par l’Esprit reçu à notre baptême ? Ne sont-ils pas plutôt l’expression d’une humanité qui se veut autonome, c’est-à-dire étymologiquement selon sa propre loi, sans rien devoir à qui que ce soit d’autre qu’elle-même ? « Ni Dieu, ni Maître » selon les slogans de l’athéisme conquérant ! Nous n’aurions pas d’autre loi à suivre que celle que nous nous donnons et que, bien sûr, nous pouvons changer au gré de nos interrogations, de nos doutes, de notre évolution.

Les échecs cinglants que pourtant nous rencontrons tant dans nos vies personnelles que collectives, pourraient être un avertissement de l’impasse dans laquelle nous nous piégeons nous-mêmes. C’est la tentation de tous les temps depuis les origines. Elle est refus d’entendre la Parole qui fait exister, qui donne vie, une vie d’au-delà de l’homme puisqu’elle ouvre à l’émerveillement d’une union à découvrir, d’un chemin de Bonheur et de Sagesse à parcourir vers notre fin : Dieu lui-même.

 « Tous ceux qui invoqueront le Nom du Seigneur seront sauvés » (Romain 10,13).

Nous voici au désert avec Jésus. Dans ce lieu de dépouillement, de précarité, d’épreuve non seulement matérielle, mais aussi spirituelle, le Christ récapitule toute l’aventure d’Israël. Le peuple, conduit au désert pour y faire la rencontre intime de son Créateur venu sceller l’Alliance, s’est rebellé. Exigeant de Dieu les signes de sa puissance, les Hébreux ne rencontrent plus que le vide effrayant d’un univers hostile, d’un néant dans lequel ils sont prêts de sombrer si Dieu ne venait pas à leur secours à la prière de son élu : Moïse. C’est cette épreuve que le Christ consent à revivre avec une intensité spirituelle impossible à soutenir pour l’homme pécheur. « Si tu es le Fils de Dieu » instille l’Adversaire – le Satan – qui connaît la puissance destructrice du doute. Mais Jésus est le Fils selon le cœur du Père. Il n’a pas à le prouver. il a à le vivre dans son humanité. Invoquant le Nom du Seigneur, il rend justice à ce nom qui est aussi le sien : « Dieu sauve »

 « Celui qui, de sa bouche, affirme sa foi, parvient au salut » (Romains 10,10).

Chaque tentation du Christ renvoie à un domaine vital pour notre existence : mise en cause de la puissance créatrice, de la vérité de Dieu seul Roi de l’Univers, seul capable de vaincre la mort. Le combat du Christ montre combien le refus de l’amour dans sa relation filiale est diabolique. En rappelant qu’il n’y a pas d’autre pain que celui du rassasiement de l’amour, pas d’autre Royaume que celui dont le Père nous constitue héritier, pas d’autre saut de la mort que celui de la croix et de la descente aux enfers, le Christ nous invite à la confiance : la Parole vivante qui donne la vie en plénitude.


Mercredi 17 Février : Mercredi des Cendres -  [Lectures:Jl 2, 12-18 ;  Ps 50 ; 2Co 5, 20-21; 6, 1-2 ; Mt 6,1-6.16-18 ]


Dimanche 14 Février: 6ème dimanche du temps ordinaire - [Lectures:  Jr 17, 5-8 ; Ps 11Co 15, 12.16-20 ; Lc 6, 17.20-26 ]

LE CHEMIN DU BONHEUR

« Heureux est l’homme … qui ne suit pas le chemin des pécheurs, mais se plaît dans la loi du Seigneur … » (Psaume 1,1…2).

S’il y a bien une quête inlassable de l’homme à travers les âges et les civilisations, c’est celle du bonheur. Sans doute est-elle l’indice de la conviction profonde que notre humanité est destinée à le connaître. Pourtant que d’incompréhension, de contre-sens, de fausses routes dans cette démarche ! N’a-t-on pas récemment évoqué la création d’un indice du Bonheur pour mieux en apprécier la réalité, comme s’il était réductible à un objet mesurable au même titre que le P.I.B (Produit Intérieur Brut) ou les cours de la Bourse !

Reconnaissons que la réflexion humaine, affrontée aux questions essentielles de la souffrance, de la mort, de l’origine et de la fin, éprouve amèrement son impuissance à l’appréhender. Le Bonheur est d’abord une vocation et un don qui ne saurait dépendre de la seule volonté de l’homme.

En reprenant le genre littéraire des Bénédictions et des Malédictions, le Christ se situe clairement dans la continuité des courants de Sagesse et du mouvement prophétique de la première Alliance. Il révèle la vérité de la condition humaine, certes blessée par le péché, mais jamais abandonnée par Dieu qui maintient sa promesse de Bonheur.

« Heureux, vous les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous » (Luc 6,20 ».

Venu vivre notre condition humaine en toute chose, excepté le péché, le Christ reprend le chemin du bonheur là où l’homme l’avait abandonné. Loin de béatifier la pauvreté, la famine, la détresse, la persécution, le Seigneur veut au contraire s’opposer au flux mortel qui risque de submerger l’homme victime de telles situations. Loin d’être un enseignement justifiant toutes les oppressions et méritant d’être considéré comme « opium du peuple » (K.Marx), le chant des Béatitudes est l’expression de la manière bien concrète selon laquelle le Fils de Dieu vient vivre en vérité la condition de l’homme blessé. Il vient nous montrer comment tout ce qui constitue notre assurance en cette vie, nos richesses de toutes sortes, peuvent être converties en chemin du Royaume au lieu d’être celui du malheur.

« Le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité » (1 Corinthiens 15,20).

Seul le Mystère pascal est l’accomplissement du Salut qu’annoncent les Béatitudes. Se dépossédant de tout ce qui constitue son humanité reçue par l’Esprit Saint dans le sein de la Vierge Marie, le Christ reçoit en plénitude la richesse de l’humanité nouvelle. La foi en la Résurrection, dont témoigne Paul dans la deuxième lecture de ce jour, est pour nous l’assurance que l’homme blessé par toutes les formes de pauvreté est aimé de Dieu. Il est « bienheureux » parce qu’il est l’image du Christ souffrant. Le chemin du Bonheur passe pour nous par le service que nous demande le Christ : « Venez les bénis de mon Père… chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25,40).


Dimanche 7 Février: 5ème dimanche du temps ordinaire - [Lectures: Is 6, 1-2a.3-8 ; Ps 137; 1Co 15, 1-11 ; Lc 5, 1-11 ]

ENVOYÉS POUR LA MISSION

 « Ce que je suis (le plus petit des Apôtres) je le suis par la grâce de Dieu » (1 Corinthiens 15,10).

En ce temps où nos communautés chrétiennes sont invitées à prendre une part plus active à la mission de l’Eglise, trop de fidèles laïcs semblent ne pas apercevoir l’urgence de cet appel, ou considèrent qu’elle ne peut être que l’affaire des « clercs » !

Les trois lectures de ce dimanche nous présentent opportunément trois grandes figures de la mission que rien au départ ne semblait destiner à pareille aventure ! Isaïe, prêtre au temple de Jérusalem au 8ème siècle avant le Christ, Simon, pécheur du lac de Galilée, Saül persécuteur zélé de l’Eglise naissante. Voici que Dieu vient les investir totalement à travers leurs tempéraments, leurs psychologies, leurs métiers. Et selon la manière divine d’agir, l’homme demeure pleinement libre d’accepter ou de refuser l’appel qui lui est adressé.  Il est aussi invité à un déplacement qui l’arrache à son univers familier, fait de routine, d’habitudes non remises en question, d’indifférence, voire d’opposition.

Comme toujours avec Dieu, la réponse positive ouvre alors un univers insoupçonné, celui de l’Universel dont Dieu est le Roi où l’homme est associé à la communion de l’Amour, ainsi que le chante le psalmiste :

                   « Ta droite me rend vainqueur
                   Le Seigneur fait tout pour moi
                   Seigneur éternel est ton amour
                   n’arrête pas l’œuvre de tes mains » (Psaume 137,7-8).

« Seigneur, éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur » (Luc 5,8).

L’effroi d’Isaïe « je suis perdu ! car je suis un homme aux lèvres impures » (Isaïe 6,5…7), le cri de Pierre, la reconnaissance toute d’humilité par Paul de son état « d’avorton » (1 Corinthiens 15,8) sont autant de manières d’exprimer l’angoisse de l’homme rencontrant le Tout Autre. Si la sainteté rayonnante de Dieu permet à l’homme de mesurer le quasi-abîme qui l’en sépare, elle lui donne aussi de découvrir que, loin d’anéantir le pécheur, elle vient redonner vie et espérance. Dieu fait faire au messager, à l’envoyé, l’expérience en sa propre vie de ce qu’il va désormais annoncer : le salut. Le péché n’est plus un obstacle à la rencontre de Dieu. Par sa Parole, le Seigneur transforme celui que son Verbe a touché. Certes les difficultés ne sont pas abolies. Isaïe en son ministère auprès des siens, Pierre en son reniement, Paul dans les incompréhensions rencontrées, témoignent que les forces de résistance sont toujours à l’œuvre. Mais, comme le souligne Paul, « c’est la grâce de Dieu avec moi » qui établit l’Envoyé dans la confiance nécessaire à l’accomplissement de la mission.

 « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras … » (Luc 5,10).

L’Eglise est désormais le lieu où se trouve la source vivifiante qui permet d’avancer « en eau profonde ». Fragile esquif, toujours menacé par l’esprit du « monde », elle est chargée de déployer la Bonne Nouvelle du Salut à travers l’histoire des hommes jusqu’à la fin des temps. Confiée à Pierre et à ses successeurs, la tâche apostolique est celle du corps tout entier dont chacun des baptisés est membre.

A quelques jours de l’entrée en Carême, entendrons-nous la voix du Seigneur relayée par l’Eglise ? : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? (Isaïe 6-9) ? Qu’Isaïe, Pierre, Paul nous aident à répondre : « moi, je serai  ton messager : envoie-moi » (id).


 Dimanche 31 Janvier : 4ème dimanche du temps ordinaire [Lectures: Jr 1, 4-5.17-19 ; Ps 70, ; 1Co  12, 31; 13, 1-13 ; Lc 4, 21-30 ]

LA CONNAISSANCE D’AMOUR

 « Avant même de te former dans le sein de ta Mère, je te connaissais, avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré » (Jérémie 1,5).

Rien de plus éloigné du sens biblique que le contenu donné aujourd’hui au terme « connaissance ». Pour nous, formés depuis des siècles par la philosophie, l’expression a pris une connotation abstraite, conceptuelle alors que le langage biblique au contraire veut exprimer par là une relation profonde, vivante, quasi physique. Cette connaissance est d’abord le propre de Dieu qui choisit son élu, et veut faire corps avec lui pour affronter l’indifférence ou l’hostilité. C’est l’expérience du Prophète. Ce sera l’expérience de Paul, saisi par l’amour du Christ, qui découvre que sans cet amour, il n’est rien. C’est bien sûr en un degré suréminent l’expérience du Christ qui ne cesse de dévoiler cette conaturalité avec Celui qu’Il nomme Père et qu’Il est le seul à connaître des profondeurs de l’amour.

C’est l’expérience que nous pouvons faire à notre tour si nous choisissons, comme l’apôtre Paul nous y invite, « la voie qui est supérieure à toutes les autres » (1 Corinthiens 12,31).. Cette voie est celle de l’amour de charité. Il n’est pas un don parmi d’autres. Il est le don par excellence qui nous fait à l’image de Dieu. Il nous faut découvrir que nous n’existons que par et dans l’amour que Dieu nous porte, amour créateur et rédempteur qui constitue le corps dont nous sommes les membres et dont le Christ est la tête.

 « Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrais vraiment comme Dieu m’a connu » (1 Corinthiens 13,12).

L’effet majeur de l’amour que Dieu nous porte est la transformation profonde de la connaissance que nous avons de lui. Saint Paul en est un témoin privilégié. Une mutation se produit sous l’effet de l’amour. Le thème de l’enfance évoque la naissance, la découverte. Celui de l’adulte exprime la plénitude d’un état que saint Jean de son côté exprime dans sa première lettre (3,2) : « nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est ». Adam en voulant s’emparer de la source de la connaissance, s’est condamné au désert de l’amour. Il a fallu que Dieu, lui-même, vienne rendre à l’homme sa capacité originelle de connaître et d’être connu dans l’amour. En reconnaissant en nous cette présence de l’amour, nous sommes déjà portés en Dieu comme des enfants à qui Jésus promet le Royaume.

 « Ils s’étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche… à ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville » (Luc 4,28…28-29).

Ainsi agit l’homme pécheur. S’il veut bien entendre le message de grâce, il se refuse néanmoins à modifier quoi que ce soit dans ses comportements. Refus qu’un homme puisse être porteur de ce message. Refus que d’autres, extérieurs à l’Alliance, puissent aussi bénéficier du Salut. Telle est la résistance que le péché oppose à l’amour. Mais l’exclusion  de Celui qui seul connaît dans l’amour ouvre paradoxalement la route de la rédemption. Le Christ, « allant son chemin » (Luc 4,30) de l’exclusion de Nazareth à celle de Jérusalem, accomplit la Pâque. Il est jamais « cet amour qui ne passera jamais » (1 Corinthiens 13,8). En lui nous pouvons puiser foi, espérance, charité.


24 Janvier 3ème dimanche du temps ordinaire - [Lectures :Ne 8, 1-4a.5-6.8-10 ;Ps 18;1Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4; 4, 14-21]

UNE UNIQUE PAROLE, UN UNIQUE ESPRIT  POUR UNE UNIQUE EGLISE

« Par le Christ … tu répands ton Esprit Saint sur tous les peuples du monde … il habite le cœur de tes fils, il remplit l’Eglise tout entière, il ne cesse de la guider » (Préface pour l’unité des chrétiens).

En ce Dimanche où nous prions pour l’unité des chrétiens, la liturgie de la Parole nous rappelle à quel point les deux sources de vie que sont la Parole – autrement dit le Verbe fait chair – et l’Esprit, sont au fondement même de l’unique corps du Christ qu’est l’Eglise. Saint Paul nous rappelle avec force que « tous, juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps » (1 Corinthiens 12,13). Dans la constitution sur la liturgie, le Concile Vatican II rappelle que le Christ « est là présent dans sa parole car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Eglise les Saintes Ecritures ». Ainsi, par la Parole et son Esprit Saint, le Père fait de l’Eglise le corps vivant de son Fils. Comme au temps d’Esdras, l’Ecriture est là pour nous libérer de nos idolâtries et nous aider à faire mémoire de l’unique Alliance. Loin d’être réductible à un texte, objet d’études aussi savantes soient-elles, l’Ecriture est parole remplie d’Esprit, créatrice d’une communauté qui, en l’accueillant, reçoit mission de la porter à tous ceux qui sont appelés eux aussi à devenir membres de l’unique corps du Christ.

« Cette Parole de l’Ecriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit » (Luc 4,21).

Comment ne pas admirer la foi de ceux qui, en Israël, alors que la Prophétie s’était tue, que les Sages avaient disparu, demeuraient dans l’attente d’un renouveau de la Parole ? Comme en réponse, « avec la puissance de l’Esprit Saint » Jésus revient en Galilée et annonce : « Cette Parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». En ouvrant le livre qui lui est tendu dans la synagogue de Nazareth, Jésus inaugure le monde nouveau d’où toutes les forces de mort seront bannies. En ouvrant le livre, Jésus y lit sa destinée : « tu as été immolé ; par ton sang tu as racheté pour Dieu des hommes de toute race, peuple et nation et tu en as fait pour notre Dieu un royaume de prêtres qui règneront sur la terre » (Apocalypse 5,9). L’auteur de la lettre aux Hébreux (10,7) fait dire au Christ : « C’est bien de moi que parle l’Ecriture ». Ainsi s’actualise au cœur de l’histoire humaine par l’Esprit et la Parole, le dessein d’amour de Dieu : une humanité assoiffée et en manque d’amour accède aux sources de la vie.

« Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Luc 4,18).

C’est dans sa Pâque – annoncée par le rejet de Nazareth – que le Christ accomplit l’œuvre libératrice. Aussi focalise-t-il notre attention sur toutes les situations de pauvreté. Nos sociétés contemporaines sont des machines à exclusion sans âme. De telles situations sont insoutenables pour un disciple du Christ  car elles portent atteinte à la dignité de l’homme. Relisons saint Paul : « si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » (1 Corinthiens 12,24-26). Sommes-nous fidèles en vérité à l’aujourd’hui de l’accomplissement de l’Ecriture confiée par le Christ et l’Esprit à l’Eglise ? C’est à cette mission qu’ils nous poussent pour que le monde ait la vie.


Dimanche  17 Janvier : 2ème dimanche du temps ordinaire - [Lectures :  Is 62, 1-5 ;  Ps 95 ; 1Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11 ]

EPIPHANIE NUPTIALE

« …On nommera ta contrée : « mon épouse», car le Seigneur met en toi sa préférence et ta contrée aura un époux » (Isaïe 62,4).

L’Alliance à laquelle Dieu invite l’humanité au travers de l’élection d’Israël est présentée dans l’Ecriture de manière récurrente sous le mode nuptial. Déjà au livre de la Genèse, Dieu pose le couple humain au sommet de la Création pour être image et ressemblance de ce qu’Il est : unité de communion des trois personnes divines. C’est donc la joie profonde qui doit habiter les noces humaines puisqu’elles sont le signe annonciateur des Noces de l’Agneau qui viendront couronner le dessein divin.

Malheureusement le vin vient à manquer, la joie déserte trop souvent les noces humaines. Le péché des hommes a asséché, désertifié la terre humaine. Dieu pourtant ne désespère pas et vient renouveler sa proposition d’alliance et la rendre irréversible en son Fils, Jésus. « On ne t’appellera plus : « la délaissée », on n’appellera plus ta contrée « terre déserte », mais on te nommera ; « ma préférée », on nommera ta contrée : « mon épouse » (Isaïe 62,4).

 « Or le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée … » (Jean 2,1).

C’est ce renouvellement de l’Alliance que le Christ vient signifier dans l’humble bourgade galiléenne, au cœur de noces humaines assombries par le défaut de vigilance qui a fait que le vin, symbole de la joie, vient à manquer. Les noces humaines seraient-elles désormais vouées à la tristesse et à l’échec ? Le couple humain, chef d’œuvre de l’acte créateur, serait-il à jamais marqué par l’échec de la division, de la séparation, du fait de la folie du péché qui a rompu l’Alliance ? C’est cette réalité pécheresse qu’il faut transformer. Sous la bienveillante attention maternelle de la Vierge Marie, le Christ vient se substituer à l’époux anonyme imprévoyant. Incarnation parfaite de la Sagesse divine proclamant aux portes de la ville : « Venez manger mon pain et boire le vin que j’ai apporté ! Quittez votre folie et vous vivrez, suivez le chemin de l’intelligence » (Proverbes 9,5-6), le Christ annonce le vin de la Fin, celui du septième jour où Dieu qui est le seul « Bon » viendra réjouir le cœur de l’homme dans le grand sabbat du Royaume.

 « Faites tout ce qu’Il vous dira » (Jean 2,5).

Nouvelle Eve, se tenant aux côtés du Nouvel Adam, Marie donne à son Fils de manifester la vie. Pourtant l’Heure n’est pas encore venue ! Seule la Pâque, de la Cène à la Résurrection en passant par la Croix, permettra de faire advenir les noces nouvelles, les noces de gloire, scellées dans le sang du Fils. Humble servante de tous les enfantements, de celui du Fils à Bethléem, de celui de Jean au pied de la Croix, jusqu’à celui de l’Eglise à la Pentecôte, la Vierge Marie veut que nous naissions aujourd’hui à notre condition d’enfants de Dieu. Suivons son conseil : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jean 2,5). Il nous conduira aux Noces de l’Agneau avec l’humanité renouvelée dans son sang.


Dimanche 10 Janvier     Baptême du Seigneur  [Lectures : Is 40, 1-11 ; Ps 103 Tite 2, 11-14 3, 4-7 ; Lc 3, 15-22

BAPTÊME POUR LE SALUT

 « Voici le Seigneur Dieu : il vient avec puissance et son bras est victorieux » (Isaïe 40,10).

Le Prophète du temps de l’Exil d’Israël à Babylone lance un cri d’espérance : « Voici notre Dieu ». A travers l’épreuve, Dieu va se révéler comme un « berger qui conduit son troupeau » (id.v11). Cependant les épreuves vont se poursuivre et les hommes, à travers temps et espaces, sont toujours dans l’attente d’un monde nouveau. Violence, conflits de tous ordres, injustice, exploitation poursuivent leur cortège de malheur. Les remèdes apportés sont parfois pire que le mal. Des totalitarismes continuent à naître, à prospérer, immolent des populations entières à leur idéologie sanglante. Impuissance de Dieu ? Telle pourrait être la conclusion qui est celle de l’athée, à moins de découvrir que dans cette impuissance, une puissance se fait jour, celle d’un amour sauveur.

 « Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et sa tendresse pour les hommes : il nous a sauvés » (Tite 3,4-5).

L’Evangéliste Luc, comme Marc et Matthieu, en plaçant la scène du Baptême de Jésus au seuil de sa vie publique vient souligner que le cri des hommes a été entendu. « Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais » s’exclamait le prophète Isaïe (63,13). Au Jourdain « le ciel s’ouvrit » (Luc 3,21). L’incommunication entre Dieu et l’homme est révolue. Dans le Christ, le Père vient accomplir sa promesse. En dévoilant dans l’humanité de Jésus sa filiation divine, Dieu nous assure que nous ne sommes pas extérieurs à lui. Par l’effusion de l’Esprit, le Christ révèle qu’Il a rejoint comme Fils unique notre humanité pécheresse. Ce qui a été commencé dans l’Incarnation du Verbe, ce que la Pâque portera à son achèvement, est dévoilé dans la théophanie baptismale. Sorti des eaux baptismales, symboles du tombeau et de la mort, le Christ, dans le cœur à cœur de la prière filiale nous révèle que chacun d’entre nous se trouve appelé par l’onction de l’Esprit à vivre sa condition de fils de Dieu.

 « Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous avec abondance, par Jésus-Christ notre Sauveur » (Tite 3,6).

Par son Incarnation, sa Passion, sa mort et sa Résurrection le Christ nous associe définitivement à sa victoire. En Lui, la consolation du peuple égaré, exilé, trouve sa réalisation. Il est le « berger  qui prend soin des brebis qui allaitent leurs petits » (Isaïe 40,11). Il est temps de nous laisser saisir par Lui dans le don de l’Esprit qui veut dégager en nous l’être filial que le Père attend.

Par la prière, la vie sacramentelle vécue avec foi, la charité qui manifeste l’effusion de l’amour, devenons toujours plus « le peuple ardent  à faire le bien » (Tite 2,14).


Dimanche 3 Janvier     Solennité de l'Epiphanie du Seigneur  [Lectures : Is 60, 1-6 ; Ps 71Ep 3, 2-3a.5-6; Mt 2, 1-12

LE SALUT POUR TOUS

 « Aujourd’hui tu as dévoilé dans le Christ le mystère de notre salut pour que tous les peuples en soient illuminés » (Préface de la Messe de l’Epiphanie).

L’élection divine que Dieu a mise en œuvre à travers l’Alliance n’est pas exclusion de tous ceux qui n’en auraient pas été les partenaires. Bien au contraire ! Que ce soit le premier né de la première Alliance, Israël, ou le nouveau-né de l’Alliance éternelle, l’Eglise, tous ont la responsabilité de porter au monde le dessein de Bonheur auquel Dieu convie tout homme et tous les hommes, qu’ils soient « juifs ou païens ». C’est un dessein d’unité et d’amour que malheureusement le péché des hommes a obscurci. Toute l’histoire biblique atteste de la persévérance divine au travers des échecs innombrables et souvent douloureux résultant des conflits récurrents et endémiques qui, en son absence, conduiraient inexorablement l’humanité à son néant.

Aussi Dieu a-t-il pris la décision de nous rejoindre sur les chemins de mort afin de réformer l’humanité en une unité vivifiante et pacifiante. C’est l’œuvre du Fils, Verbe Incarné. A travers la violence la plus inique qui lui est faite, le Christ donne à tous, juifs ou païens, d’accéder « au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse … par l’annonce de l’Evangile » (Ephésiens 3,6).

 « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton aurore » (Isaïe 60,3).

Le Prophète du Retour d’Exil annonce une grande lumière se levant sur Jérusalem et se répandant sur toutes les nations. Cependant Jérusalem n’est pas la lumière, ni les Juifs le Salut. Le temps vient, dit Jésus à la femme de Samarie, où l’on n’ira plus « ni sur cette montagne, ni à Jérusalem pour adorer le Père » (Jean 4,21). Jérusalem hier, l’Eglise aujourd’hui, doivent s’ouvrir à ceux qui, venant à elle, cherchent la source de la Sagesse et de la vérité.

C’est ce que dévoile l’Evangile de Matthieu lu en cette fête de l’Epiphanie. S’il faut passer par Jérusalem, symbole de la première Alliance, il faut aller plus loin pour découvrir la vraie lumière dans le regard d’un enfant qui, dans sa fragilité et sa dépendance, se révèle comme la Sagesse, la Vérité et la Vie.

 « Ils ouvrirent leurs coffrets et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe » (Matthieu 2,11).

L’or des rois, l’encens des dieux, la myrrhe des morts, autant de notations qui disent le mystère caché qui se dévoile à Bethléem. L’enfant est bien le Roi-Messie attendu depuis des siècles. Il est vrai Dieu, Emmanuel et Yeshouah, Dieu avec nous et Dieu sauveur. Il est l’homme venu vivre notre humanité soumise à la mort. Celui qui n’a nul besoin de ces présents puisqu’Il est le Créateur de l’univers, le Verbe éternel du Père, le Ressuscité glorieux, accueille néanmoins les dons des représentants des nations. Etrangers et païens, ils repartent par « un autre chemin » : celui du Royaume. Ils nous invitent aujourd’hui au partage de l’Evangile du Bonheur, de la Lumière, de la Joie : celui des enfants de Dieu.